Ph: Alain D.

Publié le 12 décembre, 2022

En Côte d’Ivoire comme dans plusieurs autres pays africains, l’émancipation de la femme se heurte à des pesanteurs socioculturelles. Ayant pris conscience de la situation de vulnérabilité de la gente féminine, la Banque Mondiale a initié le Projet d’Autonomisation des Femmes du Sahel et de Dividende Démographique (SWEDD). L’objectif principal de ce projet est de réduire les inégalités de genre et d’améliorer le niveau du leadership féminin dans (07) pays. Notamment, le Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad. 

Dans la pratique, le projet Sweed se décline en une campagne de sensibilisation communautaire dénommée ‘stronger together’ (Plus fort Ensemble). La caravane qui sillonne les chefs-lieux de région de la Côte d’Ivoire a posé ses valises dans la capitale de la région du Gôh, dans la période du 23 au 29 novembre 2022.  Après les étapes de Bondoukou et de Korhogo. Dans la cité du fromager, 40 religieux, 40 chefs de communautés, 40 jeunes filles, 40 jeunes garçons constituaient la cible du ministère de la femme, la famille et de l’enfant et celle de la solidarité et de la lutte contre la pauvreté. Le dernier ministère assurant la tutelle de cet important projet qui s’exécute dans 20 régions administrative du pays. 

A l’étape de Gagnoa, la ministre Dogo Belmonde a clamé haut et fort que le leadership féminin passe nécessairement par la scolarisation de la jeune fille. « Peu importe la richesse d’une personne, il faut qu’elle aille à l’école. Apprendre à lire et à écrire est le premier palier de l’autonomisation de la femme. Arrêtons de dire que la place de la femme est à la cuisine », a martelé la ministre de la Solidarité et de la lutte contre la pauvreté. Exhortant ainsi les parents à adopter le réflexe d’envoyer leurs filles à l’école au même titre que le garçon. Elle rappelle que le chef de l’Etat a traduit dans la loi fondamentale de la Côte d’Ivoire du 8 novembre 2016, cette volonté qui consacre l’égalité entre les droits de la femme et les droits de l’homme. 

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Ce que dit la loi

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Ph: Alain D.

« La constitution de la Côte d’Ivoire fait la promotion de la femme dans les assemblées élues et la parité entre les administrations publiques et privées. Cette politique du président de la République, en faveur de l’éclosion d’un véritable leadership féminin, traduit une volonté positive des droits de la femme en Côte d’Ivoire », a souligné le membre du gouvernement. Pour étayer ses propos, la ministre cite la loi numéro, 2011-26 du 9 janvier 2012 portant prévention et répression des violences faites aux femmes, l’accès à l’école de gendarmerie aux femmes, l’accès à l’école militaire préparatoire et technique (EMPT) de Bingerville aux jeunes filles. La mise en place d’un plan stratégique d’accélération de l’éducation des filles, pour objectif de renforcer les actions en faveur de l’éducation des filles en Côte d’Ivoire, dont les actions prioritaires obligatoires sont : Augmenter le taux d’accès des filles à l’école, les y maintenir, lutter contre toutes les formes de violence à l’égard des filles et renforcer la gouvernance de l’éducation des filles. Sans oublier la mise en place, par l’exécutif, d’un compendium des compétences féminines dont l’objectif est de créer une grande visibilité sur la participation des femmes dans la gestion des affaires publiques et privées en vue de promouvoir leur leadership. Ainsi, le pays dispose d’un formidable atout économique qui reste encore peu exploité. 

Un atout mal exploité

« Cet atout économique n’est autre que les femmes et les jeunes filles », se satisfait Mys Dogo Belmonde. « J’ai la ferme conviction qu’ensemble, nous arriverons à promouvoir l’éducation de la jeune fille et le leadership féminin. Je reprends à mon compte les propos de madame Irina Gogova, directrice générale de l’Unesco de 2009 à 2017 et qui disait : Eduquer une fille, c’est éduquer une nation. Avec chacun de vous, la Côte d’Ivoire saura relever le défi de maintenir les jeunes filles à l’école », a indiqué l’oratrice.

 « La réussite de cette campagne dépend de notre détermination, de notre niveau d’implication. J’invite les autorités administratives, les leaders communautaires, religieux et associatifs, les chefs de villages, les jeunes et toutes les populations ivoiriennes à prendre une part active à cette campagne de sensibilisation qui s’annonce offensive. Disons non aux violences faites aux femmes et aux jeunes filles, disons non aux décrochages scolaires de nos filles, ensemble, faisons la promotion de l’éducation de la fille et le leadership féminin en adoptant des comportements qu’il faut », a-t-elle sensibilisé son auditoire. 

Prendre conscience

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« Au vu de ces chiffres, il est important que nous trouvions des réponses aux questions que nous posons : pourquoi les garçons restent ils plus longtemps à l’école que les filles ? La réponse peut nous permettre de prendre conscience des inégalités entre les élèves à cause de leur appartenance sexuelle. Mais les enquêtes nous ont donné quelques réponses. L’accès à l’école pour les filles est un véritable problème, car les parents préfèrent scolariser le jeune garçon au détriment de la fille », a relevé madame Koffi Yao Edwige, secrétaire générale à la DRENA. « La réussite de nos enfants passe par notre engagement, par la mise en commun de nos compétences, d’agir solidairement afin que la disparité entre les élèves devienne de plus en plus faible. La société doit fonctionner selon l’équilibre du genre et pour le ministère de l’Éducation nationale, il est important d’intégrer dans nos matrices d’actions, l’approche genre qui vise à prendre en compte simultanément la situation, les besoins et des objectifs des filles et des garçons dans leurs interactions », a-t-elle répondu la secrétaire générale.

Elle reste convaincue que c’est par l’école que la jeune fille pourra exprimer son leadership dans la société. C’est le cas de mademoiselle Tanoh Ruth, étudiante en master communication à l’université Félix Houphouët Boigny. Elle a été intégrée à la caravane de sensibilisation pour que son témoignage serve d’exemple aux jeunes qui sont encore sur les bancs. « Je suis devenue orpheline très tôt. Sans soutien, je me suis battu pour poursuivre mes études. Aujourd’hui le résultat est là. A la fin de mes études, j’aimerai travailler à l’Unicef, en qualité de chargé de communication, parce que je veux me mettre à la disposition des enfants », a témoigné l’étudiante. 

L’autre témoignage est venu de madame Glao, née Tia Philomène. A 17 ans, elle a été donnée en mariage à un vieillard, qui de surcroit était polygame. « Je suis tombée enceinte à 17 ans. Mon mari ne s’occupait pas de la grossesse. J’étais obligée de faire des contrats dans les plantations où je percevais 600 francs par jour. J’ai fait des économies pour pouvoir me réaliser », a-t-elle raconté. Elle ne sait ni lire ni écrire, mais à force de persévérer, elle est devenue une femme d’affaire prospère, disposant des compagnies de transport, des hôtels, des élevages, etc.                                                               

Alain Doua

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