Publié le 20 décembre, 2021

La rareté de la petite monnaie à Abidjan, particulièrement, devient une préoccupation, un casse-tête chinois, une situation des plus récurrentes. Où est passée la petite monnaie ? La question est sur toutes les lèvres sans qu’elle ne trouve, toutefois, une réponse concrète. Et pourtant ! Que ce soit dans le transport, le commerce, les marchés et autres lieux, la petite monnaie est un élément clé dans les échanges commerciaux. Dans les rues, les marchés et surtout le transport, plusieurs scènes d’altercations ont lieu à cause du manque de pièces de monnaie lors des transactions.

Transporteurs, commerçants, mendiants, banquiers… au banc des accusés

Le samedi 18 décembre 2021, nous sommes à la Liberté, à Adjamé, un attroupement d’hommes et de femmes attire notre attention. Deux hommes en pleine disputes. Un passager qui a sa chemise en lambeaux et un apprenti de minicar appelé communément Gbaka qui respire avec difficulté. Les badauds et certains responsables syndicaux ramènent le calme. ‘’ Il m’a fait savoir qu’il avait la monnaie depuis Yopougon. Arrivée ici, il me tend 1000 FCfa pour un transport de 200 FCfa. N’ayant pas toute la monnaie, je lui ai remis 500 Fcfa et je l’ai associé avec une autre personne. Il ne veut rien savoir. C’est ce qui a provoqué cette rixe’’, explique le chauffeur du Gbaka venu au secours de son collaborateur en pleine sueur. Une vendeuse d’eau glacée se propose de faire la monnaie pour mettre fin à cette querelle indigne de personnes adultes.

Non loin de là, un homme qui a suivi la scène s’écrit : « La petite monnaie a-t-elle été retirée de la circulation ? », questionne-t-il avant de regretter cette situation : « Nous avons tous les problèmes pour faire nos courses à cause de cette malheureuse situation’’.

Il ne fallait pas pour ces voisins d’évoquer les raisons de cette pénurie de monnaie. Pour dame Marceline, il faut lorgner du côté des chauffeurs de gbaka et leurs apprentis, ainsi que les chauffeurs de Worô-wôrô. ‘’ Ils traitent avec les vendeuses ambulantes de mouchoirs, de lotus, de cigarettes, de cartouche de chewing-gum etc (…) Si vous faites bien la remarque, ces vendeuses sont prêtes à vous faire la monnaie dès que vous achetez une marchandise avec elles. Pour un achat de 100f ou 200FCfa, elles peuvent vous faire la monnaie de 500F, 1000 F, voire 2000F. Pour les sommes de 5000 et 10.000 FCfa, elles acceptent de faire la monnaie en échange de mouchoirs de 500 F payés. Mais actuellement, compte tenu de l’expansion de ces lotus dans tous les commerces, elles vendent désormais la cartouche de chewing-gum accompagnée de lotus pour les billets de 5000 et 10.000 FCfa. Si vous avez 500 FCfa ou encore 1000 FCfa elles vous demanderont de prendre une cartouche de chewing-gum’’, a-t-elle révélé. Cette information est corroborée par les autres personnes présentes sur les lieux.  À Adjamé 220 logements, plus précisément dans les environs de l’ancien cinéma liberté, c’est le lieu, par excellence, d’échanges de pièces de monnaies entre acteur du transport et petites commerçantes.

Entre les véhicules stationnés, des jeunes filles, eau sur la tête pour certaines, lotus et paquets de cigarettes en main pour d’autres…, crient : « Ya lotus ! 500, 1000 FCfa il y a monnaie. 5000 FCfa ; 10.000 FCfa, il y a monnaie ». Voulant en savoir plus sur l’origine de l’abondance des jetons, aucune des filles ne pipe mot. « Vié père faut laisser ça ! », me suis-je entendu dire.  Pour Karim, un chauffeur de Taxi intercommunal, « Ces jeunes filles travaillent avec les chauffeurs de gbaka et leurs apprentis moyennant une commission. Ils remettent discrètement la petite monnaie (50Fcfa, 100Fcfa, 200Fcfa ou de 500Fcfa) collectionnée durant le boulot à ces vendeuses. En retour, ces dernières leur reversent quelque chose », croit-il savoir.  

Les mis en cause démentent

Devant cette information, deux des vendeuses rétorquent que c’est faux. Pour elles, la pénurie de monnaie sur le marché ne saurait être de leur seule faite. Fatou pense que l’on devrait regarder aussi du côté des mendiants, les personnes qui achètent des boites pour y épargner la petite monnaie, sans oublier certains bijoutiers. « C’est trop facile de nous accuser.  Tous ceux-là, sont coupables », pointe-t-elle du doigt avant d’informer, « Quand nous on reçoit la petite monnaie, on la ventile au cours de la journée sur le marché ». Une autre va plus loin : « Il existe des professionnels d’échange de monnaie qui prennent des commissions de 5 à 10% quand vous les solliciter pour la monnaie. Certains exercent dans les alentours du siège de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao) au Plateau. Il y en a également au marché de la Sorbonne et à la rue 12 de Treichville. Ils disent pour la plupart être en deal avec certains banquiers qui les alimentent en jetons », affirme Salimata qui dit avoir eu beaucoup de fois recours à leur service.

Accusés également, certains agents de banques que nous avons sollicités, se sont plutôt inscrits en faux. Pour la majorité d’entre eux, il faut plutôt s’en prendre à la Bceao qui n’arriverait pas à mettre plus de petites monnaies à la disposition des structures bancaires depuis un certain moment. La priorité serait donnée à la fabrication des billets de banque qu’aux jetons. Le cours des métaux (alliage d’argent et de nickel) entrant dans la fabrication des monnaies ne serait pas étranger à cette malheureuse situation.

Comme on peut le constater, c’est à un jeu de ping-pong qu’on assiste au niveau des responsabilités dans le manque de la petite monnaie sur le marché. En attendant, qu’une solution définitive y soit trouvée, les populations continuent de se casser la tête dans les marchés, commerces, transport en commun. Et, précisément dans ces périodes de fêtes…

Djolou Chloé

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