Publié le 29 mars, 2021

Nous publions dans cette édition, la deuxième partie de l’Interview de l’émérite comédien ivoirien Kané Mahoula Ismaël. Ici, l’acteur de cinéma qui a glané plusieurs lauriers s’appesanti sur l’industrie cinématographique dans son pays.

Quel regard portez-vous sur l’industrie du cinéma en Côte d’Ivoire ?

En Côte d’Ivoire, on  n’a pas d’industrie du cinéma ! C’est un « No Man Land ». Je l’ai dit sur un plateau de télévision il n’y a pas longtemps. Nous sommes dans un bateau où il n’y a pas de capitaine.

Pourquoi dite-vous cela ?

Chez nous, chacun se bat de son côté. C’est vrai qu’on avance intelligemment, nous produisons de bons films. Mais il n’y a rien qui fédère tout. On peut se féliciter du fait qu’aujourd’hui, les acteurs professionnels du cinéma ont des cartes qui les identifient. Vous me donnez l’occasion de remercier le ministre Bandaman Maurice, qui a rendu possible ce projet. Mais à part ça, plus rien.

Ailleurs comme au Burkina Faso, au Nigéria le dynamisme du secteur du cinéma transcende les frontières. En Côte d’Ivoire on est toujours au stade des projets avec les Babi Wood…. Pourquoi le décollage coince ?

Justement il ne faut pas donner le nom d’un enfant qui n’est pas encore né. Vous allez dire « CodiWood» pour attirer l’attention des gens. Mais quand ils viendront voir, ils ne trouvent rien. Il faut éviter de faire des alertes sans rien faire.

Mais pourquoi la Côte d’Ivoire n’arrive pas à se construire une telle industrie ?

Il faut que nous acceptions d’abord d’être ensemble, de nous mobiliser autour du cinéma et de poser le diagnostic. Il faut que tous les acteurs du cinéma se retrouvent dans une sorte de conclave pour examiner en profondeur les problèmes qui minent le secteur.

Mais qui doit organiser ce forum ?

C’est tout le monde en même temps. J’ai déjà instauré des temps de rencontre, des cafés culturels par deux fois. Mais je crois que tout le monde doit s’y mettre. Parce qu’une seule personne ne peut pas. C’est difficile de gérer son quotidien et de penser à ce genre de chose qui demande plus de temps. J’ai partagé ce projet avec des acteurs. Mais j’ai compris que chacun semble se plaire dans son coin. L’orgueil, l’égoïsme, ce sont des vilains sentiments qui nous animent. Et ce n’est pas bon pour nous.

C’est vrai que chacun a ses qualités et ses atouts. Mais si nous mettons ensemble toutes ces compétences, nous allons faire de grandes choses. Les pouvoirs publics et tout le monde va nous écouter. Ensemble, on est forcément puissant. Seul, on est fragile. Et c’est malheureusement la réalité du cinéma ivoirien.

C’est en cela que je rends hommage à l’UNJCI (Union des journalistes de Côte d’Ivoire). Je suis fasciné par votre capacité à vous mettre ensemble et à travailler ensemble quelles que soient vos lignes éditoriales. J’admire cette organisation pour la célébration des Ebony, chaque année. Tous les Ivoiriens et au-delà sont attachés à cette cérémonie. Je rêve d’un tel projet pour le cinéma en Côte d’Ivoire.

Les journalistes, malgré leurs positions éditoriales souvent très opposées, ils arrivent à s’accorder et à regarder dans le même sens. Mais nous, acteurs du cinéma, qui partageons les mêmes plateaux de tournage, les mêmes émotions, souvent même les mêmes salives, nous n’arrivons pas encore à nous mettre ensemble dans une même structure. C’est dommage.

Cela peut avoir des explications ?

Comme je l’ai déjà indiqué, je crois que c’est l’orgueil de certains d’entre nous. Chacun veut signer ses autographes avec son seul et même stylo. Mais si ton seul stylo fini par manquer d’encre ça devient compliqué.

C’est pour cela que j’invite ici tous les acteurs du cinéma à se mettre ensemble. C’est ce que les Nigérians ont fait ; c’est ce qui se passe au Burkina Faso.

Au Nigéria, quand vous voyez dans un clip un petit danseur, sachez qu’il sera produit dans le prochain clip. On l’épaule. Nous avons besoin de cela en Côte d’Ivoire.  Dans ces pays que nous citons en exemple, quand on veut parler de cinéma, on parle de l’industrie. Mais chez nous en Côte d’Ivoire, pour parer de cinéma, on cite des individus. C’est dommage.

Faut-il en vouloir à ceux qui vous ont précédés dans le secteur ?

Nous sommes arrivés dans un secteur où on n’a pas véritablement vu de sillons clairement tracés. Ici, il n’y a pas de véritables textes de lois pour booster le cinéma. Faut-il s’en prendre aux anciens ? Je n’ose pas accuser les doyens pour qui j’ai beaucoup de respect. Mais je constate que nous avons du boulot à faire.

Ténin Bè Ousmane

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