Publié le 14 février, 2022

Autrefois prisé par les Ivoiriens, le théâtre ivoirien est devenu l’ombre de lui-même. Aucune scène depuis des lustres, du moins aucun grand spectacle si ce n’est que de petites scènes sur les planches dans des quartiers avec des spectateurs comptés au bout des doigts. Assandé Fargas, Adjé Daniel, Léonard Groguhet, Guédé Ba Martin, Bienvenu Néba, Omega David, Thérèse Taba, Angéline Nadié, Naty Coly, Naky Sy Savané…pour ne citer que ceux-là ont fait rire et conscientiser tout un peuple durant des décennies. Sortis des officines de théâtre et projetés sur le devant de la scène par le petit écran, ‘’ces faiseurs de rire’’ ont inspiré de nombreux autres talents. On ne pouvait parler de littérature ivoirienne sans évoquer le théâtre. Or, Depuis 1985, l’histoire du théâtre a connu un tournant régressif. Cause évoquée : la crise économique qui a gangréné le pays.

Les principales raisons de cette disparition, chevauchent entre le manque de financements, de salle et la perte du publique.

Heures de gloire…

« C’était une culture à nous. On ne nous forçait pas » indique, nostalgique M. Assandé Luc olivier, comédien, enseignant de théâtre à l’Insaac et directeur artistique de la compagnie Allissô Théâtre Groupe. « Les élèves avaient cette habitude d’aller aux spectacles de théâtre, parce qu’à l’école on leur parlait beaucoup du théâtre. On le faisait même depuis l’école primaire. Les parents étaient encrés dans cette vie, le théâtre a vécu des heures de gloire. Tout le monde voulaient regardez les pièces de théâtre », se souvient-il. Cette motivation du public permettait, selon lui, à tous les comédiens de se détendre et de faire rêver le public qui l’accompagne.

« Mon père me disait qu’avant pour impressionner une amie, ce n’était pas nécessaire de l’envoyer au restaurants, il suffisait juste d’assister à une pièce de théâtre. Cela détendait l’atmosphère, et créait des échanges faciles entre vous », évoque le professeur qui estime que ces années resteront gravées dans la mémoire de certains.

Une crise économique qui vient tous chamboulé 

A l’occasion de la Quinzaine du théâtre, le mercredi 22 juin 2021, où il participait à un panel à l’Institut national supérieur des arts et de l’action culturelle (INSAAC), le professeur Richard Kouadio a martelé « qu’il est temps de sauver le théâtre ivoirien ». Aux dires de M. Richard Kouadio, la Côte d’Ivoire a connu une crise économique dans les années 85. Cette crise a fait que l’Etat a cessé d’investir dans le théâtre. Les organisations ont arrêté de donner des subventions pour le théâtre. Les écoles de théâtre ont été fermées. Toutes les salles disponibles pour le théâtre ont été utilisées pour d’autres activités. « C’est ainsi que le théâtre a commencé à sombrer », a-t-il avoué. Avec les années blanches en milieu scolaire et la situation politique délétère de la Côte d’Ivoire, les adeptes du théâtre ont trouvé refuge dans l’humour. Une situation qui a vu les metteurs en scènes théâtrales se tourner vers le cinéma et la musique. « Tous ces éléments ont éloigné progressivement les populations du théâtre. Ce qui a encore plus créer le faussée c’est la crise de 2002. Voyons depuis cette année jusqu’à 2010 où nous sommes passé à une autre étape de la crise, les populations cherchaient un réconfort pour se remettre. Ils avaient besoin de survivre, ils ne voyaient pas l’importance de retourner au théâtre. C’est pourquoi est née l’humour. En ce moment avec tous les problèmes que nous avions il fallait rire pour oublier. », explique le professeur Assandé.

Plus de publique, plus de pouvoir d’achat, plus de théâtre…

« En 2013 j’étais encore étudiant quand j’ai effectué le voyage au Burkina, le but était de voir comment ce pays arrive à développer son théâtre. C’est à notre retour que nous avons mis sur pied notre compagnie. Arrivez, au Burkina nous avons échangé avec les acteurs, dans le passé notre pays était une vitrine pour eux. Ils venaient en côte d’ivoire pour assister au spectacle de théâtre. En côte d’ivoire nous avons eu tous les financements pour le théâtre », raconte M. Assandé qui déplore qu’aujourd’hui il n’y a plus ce financement. « Sans ce financement le théâtre n’existe pas ! », regrette-t-il avant d’indiquer que « Ce qui manque au théâtre ce sont des salles, des subventions, du public et de la publicité ».

Dans certains Etats, souligne-t-il, les autorités s’impliquent dans la redynamisation théâtrale, des salles de spectacles sont mis à leur dispositions. En France l’Etat subventionne le théâtre, des mécènes s’impliquent dans l’organisations de concours et présentation de troupes théâtrales. Pour M. Assandé « la société ivoirienne politisée pose un frein à un théâtre qui dénonce les tares de la société ».

Comment créer du public ? « Il faut des élèves, selon lui, qui ont cette facilité d’avoir les livres en leur possession, parce que pour aller au théâtre, il faut lire et être encouragé ». M. Assandé estime que « Le problème aujourd’hui, c’est que nos enfants ne lisent plus. Nous avons eu la chance à notre temps de gouter un peu à la lecture. Il y a d’abord une rééducation à faire. Sinon cela permettra de retourner en quelque sorte aux théâtre et créer un nouveau public », considère-t-il, puis de conseiller : « Nous devons créer l’envie de lire chez nos enfants depuis l’école primaire ».

A l’Insaac, nombreux sont ces jeunes qui se tourne vers l’apprentissage du théâtre, ils espèrent tous redonner vie au théâtre. « Les jeunes dans les quartiers font du théâtre. Un festival a été organisé par le Cénacle pour mettre ces jeunes en lumière, le théâtre existe. Mais il faut donner un coup de pouce au théâtre en le finançant, en appelant les bailleurs de fonds comme on le fait pour les investissements dans le cinéma, la musique et autres » conclut-il.

Bekanty N’ko (stagiaire)

Ajoutez votre commentaire