Publié le 27 septembre, 2021

L’objectif du projet « Éducation inclusive » est de donner la chance à tous les enfants de Côte d’Ivoire. S’il traduit la volonté de l’État ivoirien à envoyer tous les enfants à l’école, les enfants en situation de handicap, particulièrement ceux qui présentent un handicap visuel et auditif ne bénéficient toujours pas de kits scolaires adaptés à leur handicap. Ce qui reste cependant une grosse difficulté pour eux, les acteurs du système éducatif, ainsi que leurs parents.  

En 2015, l’actuel Président de la république Alassane Ouattara a décidé de rendre l’école « obligatoire » pour les enfants de 6 à 16 ans en Côte d’Ivoire. Cette politique entrée en vigueur dès la rentrée scolaire de 2015-2016, visait à « donner à toutes les filles et fils de notre pays le droit à l’éducation, à une formation de qualité », avait annoncé le Président de la république de Côte d’Ivoire. Dans la continué, le ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement technique et la Formation professionnelle, d’alors Kandia Camara, avait largement insisté sur la gratuité des inscriptions au primaire, ainsi que des kits scolaires en Côte d’Ivoire, les années d’après.

Un projet d’éducation inclusive en Côte d’Ivoire, projet financer à hauteur de 886 694 euros dont 650 000 euros de l’Union européenne allant de la période du 1er juin 2017 au 31 août 2021, a également été mis sur pied, pour permettre une expérience d’éducation inclusive en Côte d’Ivoire en faveur des enfants en situation de handicap. Malgré toutes ces dispositions, la situation n’est pas reluisante pour les enfants en situation de handicap, particulièrement les porteurs de handicap auditif et visuel qui ne bénéficient pas de Kits scolaires adaptés à leur handicap.

« Les enseignants sont obligés de demander à quelqu’un de lire et de dicter »

Les porteurs de handicap visuel utilisent principalement l’écriture en braille. C’est un système d’écriture tactile à points saillants, à l’usage des personnes aveugles ou fortement malvoyantes.  Elle se lit avec les mains. En conséquence s’ils doivent aller à l’école, les documents doivent être écrits en brailles.

« Les kits scolaires que le gouvernement donne ne sont pas traduits en brailles. Ils ne sont pas accessibles aux aveugles. Ils utilisent également la tablette et le poinçon. La tablette permet de lire et d’écrire en braille sans aucun autre élément mécanique, et le poinçon représente le stylo.  

 Parmi les enseignants, il y a des aveugles qui n’arrivent même pas à déchiffrer directement les documents. Ils sont obligés de demander à quelqu’un de lire et de dicter, eux retranscrivent en brailles. Ce qui laisse quelque fois des fautes qu’ils transmettent aux enfants. Dans l’ensemble, les outils ne sont pas gratuits. Il suffit seulement que ceux qui les fabriquent ici mettent pour les aveugles la version numérique dans une embosseuse (Ndlr; imprimante qui transcrit le texte d’un fichier informatique en caractères brailles sur papier et qui est destinée aux aveugles… ), qu’on tire et qu’on mette des reliures à distribuer aux aveugles. Rien que ça », a proposé l’Inspecteur Principal option Education, Secrétaire  Général de l’Organisation National pour la Promotion des Métiers accessibles aux Aveugles et Malvoyants de Côte d’Ivoire (ONaPMAAMCI), KOUAKOU N’gbra Guillaume Charbel.

« Il n’y a pas d’éducation de qualité… »

Les porteurs de handicap auditif, eux utilisent plutôt la langue des signes. Langues qui désignent les langues gestuelles que les personnes sourdes ont développées pour communiquer. Mais selon le Président l’Organisation nationale des parents pour handicapés auditifs de Côte d’Ivoire qui est une ONG crée depuis 2010, Camille Tano Kouassi, il en faut bien plus.

« Il n’y a pas d’éducation de qualité qui permet à nos enfants non-voyants et aveugles d’être compétitifs. Pour le moment la Côte d’Ivoire est incompétente. Elle a le désir, mais c’est un leurre. Logiquement la formation des personnes handicapées auditives demande des besoins spécifiques. On devait leur donner des livres utilisés à partir des dessins et des signes et donner cette possibilité en regardant les documents à eux d’apprendre. Les kits pour tous ne sont pas adaptés à leur handicap. Il y a des ordinateurs adaptés qui permettent de travailler, malheureusement ils sont coûteux. Les enseignants ne l’ont pas, ce ne sont pas les élèves qui les auront.

Les TIC devraient être une solution. Il y a des synthèses vocales pour les non voyants qui font qu’à partir de l’ordinateur et des signes, on peut travailler avec ces enfants qui apprennent à partir de la vue. Quand on parle d’éducation inclusive, il aurait fallut que dans les cellules familiales, les parents soient avertis pour qu’ils puissent connaitre véritablement ce qui se passe. S’ils comprennent, ils peuvent encadrer déjà leurs enfants et inculquer le savoir être et vivre. Il aurait fallut que les formateurs soient formés. Mais combien sont-ils? Il y a une pédagogie adaptée. Les temps d’enseignements qu’on accorde aux autres enfants ne peuvent pas être pareille »,», a-t-il laissé entendre.

« Rien n’a été fait malgré les engagements… »

La loi n° 98-594 d’orientation du 10 novembre 1998 votée par le Parlement ivoirien accorde aux personnes handicapées les mêmes droits à l’éducation, à l’emploi, à la formation, aux loisirs que toute autre personne non handicapée. Dans ce contexte, le gouvernement ivoirien, dans un document officiel « Politique Nationale en faveur des Personnes Handicapées », signé en 2008 s’est engagé à développer et mettre en œuvre une politique nationale en faveur de la personne handicapée, mais aussi à œuvrer pour enlever les obstacles en vue de favoriser l’accès de toutes les personnes handicapées à l’éducation nationale.

« Rien n’a été fait malgré les engagements, pour créer un environnement socioculturel favorable à l’élimination de toutes les formes de discrimination et d’exclusion à l’égard des personnes handicapées. On donne les livres gratuitement aux enfants de l’école primaire, mais ces livres, tels qu’ils sont conçus ne peuvent pas être utilisés par les enfants aveugles et les sourds. Il y a des livres sonores, et des livres en brailles.  C’est un programme qui est financé par le gouvernement ivoirien à coup de plusieurs dizaines de milliards par an, on aurait dû dégager un petit montant de ce gros montant pour éditer des livres en brailles, sonores qu’on peut mettre sur clés USB ou CD, les distribuer aux parents des enfants handicapés inscrits à l’école. Mais ce n’est pas fait. Ils utilisent tous les mêmes documents. L’école n’est pas encore gratuite pour les enfants handicapées « , a indiqué le Président de la Fédération des associations des personnes handicapées de Côte d’Ivoire (FAHCI), ancien Secrétaire d’Etat chargé des Personnes Handicapées, Expert en handicap et inadaptation, le mardi 1er septembre 2021, lors d’un atelier initié par Internews, sur les questions relatives aux des personnes en situation de handicap en Côte d’Ivoire à Abidjan.

« Le matériel n’est pas fabriqué ici »

A l’INIPA (Institut National Ivoirien pour la Promotion des Aveugles et l’ECIS (Ecole Ivoirienne pour les Sourds), établissements qui existent depuis 1974, la prise en compte des besoins spécifiques des enfants en situation de handicap dans les réponses éducatives demeure une préoccupation majeure. Bien que l’établissement ne bénéficie pas de kits scolaires adaptés aux handicaps des élèves qu’il reçoit, et que la majorité des enseignants présentent un handicap visuel, « on donne les livres aux directeurs, aux maitres et conseillers pédagogiques, ils retranscrivent en brailles et transmettent » indique le Directeur de la promotion des personnes handicapées, M. Koné Krou Wélé Victorien.

La plus grande difficulté, selon lui, provient du fait que le matériel ne soit pas fabriqué en Côte d’Ivoire. « Le problème est que le matériel n’est pas fabriqué ici. Il faut passer la commande et attendre longtemps. A notre niveau on a pas les éléments pour le faire. Il faut des entrepreneurs qui acceptent de venir en Afrique pour la fabrication », a-t-il détaillé.

 Il affirme par ailleurs que les outils d’éducation (brailles, tablettes, poinçons, embosseuses, narrateurs) sont toutefois disponibles au sein de l’institut.  « C’est parce que le matériel coûte très chère que l’école constitue des stocks à partir du budget de l’Etat. La tablette ne coûte pas moins de 15000 FCFA, le poinçon est entre 3000 et 5000 FCFA, seulement au bout de deux mois, il faut le changer. Il n’est pas durable. Le braille, il en faut assez. », ajoute le Directeur.

Ce sont au moins 2 à 3 millions FCFA de feuilles en brailles qu’offre l’institut aux enfants. Néanmoins, quand il y en a, « elles ne sont pas à la portée de tous ». « C’est subventionné par l’État. le Directeur de l’école de l’Institut des aveugles est injoignable en ce moment, car il a effectué un déplacement. Il allait vous en dire plus. Nous en offrons aux enfants quand c’est possible. Le reste est à la charge des parents. Les tablettes oscillent entre 10.000 FCFA et 15 000 FCFA. Pour juste une tablette si le parents doivent débourser cette somme, c’est compliqué », témoigne le Directeur de l’ECIS, Okou Dieudonné .

L’ECIS, a en croire son responsable fait face à moins de difficultés contrairement à l’INIPA. « Avec eux, c’est la langue des signes, il n’y a pas trop de problèmes après avoir payé l’inscription qui s’élève à 30.000 FCFA. Nous utilisons les mêmes kits scolaires qu’on distribue gratuitement. Il y a deux années en arrières l’éducation nationale les fournissait , l’année dernière nous n’en avons pas reçu, mais cette année on a relancé, on attend pour voir. L’inspection nous a adressé un courrier pour qu’on puisse exprimer nos besoins , nous sommes encore en attentes. Seulement au niveau des infrastructures il y a un déficit. Cette année, nous attendons 320 enfants y compris les nouveaux pour 120 places à l’internat. Il y a 200 enfants qui seront à demie pension, au niveau des salles de classes, on a encore besoin de 3 salles au moins pour accueillir », a-t-il fait remarquer.

Projet Éducation exclusive, quel bilan?

Le projet d’éducation exclusive a été réalisé dans les localités Abidjan, Dabou, Agboville, Toumodi, Yamoussoukro, Bouaké, Man, Oumé, Abengourou et Korhogo avec 157 enseignants volontaires dont 137 formés en langues des signes, pour les personnes qui présentent un handicap auditif et 20 en brailles pour les personnes qui présentent un handicap visuel.

Marina Kouakou

1 Commentaire

  • par Kouakou N’gbra Guillaume Charbel
    Publié octobre 2, 2021 10:57 am 0Likes

    Merci d’avoir fait cette lucane sur l’inaccessibilité des manuels scolaires aux handicapés sensoriels
    Vous avez touché un problème pertinent dans la problématique de l’inclusivité des aveugles à l’école .
    Merci d’être la voix des sourd-muets et les yeux des aveugles

Ajoutez votre commentaire