Publié le 16 mai, 2022

Principale source de revenu de nombreuses populations de l’Afrique subsaharienne, le manioc est consommé sous différentes formes parmi lesquelles l’attiéké. Il fait de plus en plus partie des habitudes alimentaires des populations. Ainsi sa production est devenue un secteur d’investissement.

L’attiéké qui est fait à base de manioc, est l’une des spécialités de Côte d’Ivoire. De texture plus légère que le couscous de blé et de goût très légèrement acide, l’attiéké remplace avantageusement le riz. Il s’accompagne de viande ou de poisson. Souvent avec une sauce. Sa grande consommation fait que sa production traditionnelle commence à faire place à une production industrielle. L’attiéké est de plus en plus demandé à l’intérieur et à l’extérieur du pays. De ce fait, les acteurs dans la chaine de distribution de cette denrée alimentaire exportent le plus souvent le produit pour augmenter leurs gains. Secteur propice pour l’investissement, il est aussi pourvoyeurs d’emploi. Conséquence, les usines de production d’attiéké voient le jour de plus en plus. 

L’industrialisation

Déjà en 2014 à Songon puis à Jacqueville des unités de production de grande quantité ont été officiellement ouvertes. En 2017 à Djébonoua à Bouaké, une unité de production est installée par un opérateur économique. En 2018 une autre est installée à Lolobo, village situé sur l’axe Yamoussoukro-Bouaké. Cette localité est placée au premier rang dans la production de l’attiéké dans toute cette zone. En 2020 les femmes Méthodistes Unies de Côte d’Ivoire ont vu leur rêve devenir réalité avec l’ouverture d’une usine de transformation du manioc. Depuis lors, plusieurs autres unités de production industrielles ont vu le jour sous nos cieux.

Abobo-Baoulé, l’exemple

Dans tous ces lieux de production de l’attiéké, un modèle a retenu notre attention : Abobo-Baoulé. Sous le règne du chef Attoh Alexandre, un espace a été aménagé pour les productrices de l’attiéké. Dans le souci de préserver la propreté dans le village, la tête couronnée a regroupé toutes les productrices sur un même espace. Presque toutes les familles à Abobo-Baoulé produisent cet aliment traditionnel. Ce lieu qualifié d’« usine d’attiéké » est une propriété du village. Il est géré par un comité mis en place par la chefferie. En dehors de la cuisson qui ne se fait pas sur place, tous les autres services dans la chaine de production de l’attiéké y sont installés.

A « l’usine de l’attiéké » d’Abobo-Baoulé, de l’achat à l’épluchage en passant par le découpage, le lavage, le broyage et le pressage tout se fait sur place ! Sauf la cuisson.

Un vrai lieu d’affaires ! Pour accéder au site il y a une taxe à payer. Pour chaque chargement de bâchée, il faut payer 2000 Fcfa par jour. Le propriétaire d’un moulin installé sur le site débourse par jour 1000 Fcfa et entre 10000 et 20000 Fcfa les fins du mois. Les pousse-pousse payent 500 Fcfa par jour tandis que les femmes qui y vont pour faire leur attiéké payent 1000 par semaine pour l’entretien de l’espace. Les dimanches « l’usine » est fermée pour nettoyage.

Une véritable entreprise…

Originaire d’Agboville, Jeanine est installée à Abobo-Baoulé depuis plusieurs années. Grande commerçante, elle produit et vend de l’attiéké. Ses clients se comptent ici et hors du pays. « Je ne vends pas au détail. Si vous venez chez moi pour un achat de 500 ou 1000 Fcfa, je ne vous sers pas », précise la jeune femme qui ne vend qu’aux revendeuses. Cette activité ne fait pas que du bénéfice. Il y a d’énormes dépenses avant.

Le chargement d’une bâchée se négocie entre 230 000 et 250 000 Fcfa sur le site. 8500 Fcfa pour l’épluchage et 5000 Fcfa le lavage. Au moulin, Jeanine dépense 20 000 Fcfa au moulin en raison de 1000 Fcfa par sac de manioc épluché. La bâchée, lui donne droit à environ 20 sacs de manioc épluché. Ce n’est pas tout ! Pour l’essorage et le séchage, elle doit débourser 20 000 Fcfa. Jeannine négocie un pousse-pousse autour de 7000 Fcfa pour ramener chez elle son produit presque prêt pour la cuisson. Enfin, il lui faut 10 litres d’huile et près de 10 000 Fcfa de manioc fermenté pour achever la préparation de l’attiéké.

La native d’Agboville emploie six personnes auxquelles elle donne un salaire chaque fin de mois.

… mais que de difficultés

Janine n’est pas la seule grande productrice d’attiéké. Elles sont nombreuses et sont confrontées à de grandes difficultés. L’urbanisation galopante a pour conséquence l’éloignement et la rareté des plantations de manioc. « Non seulement nous parcourons de longues distances pour trouver le manioc, mais en plus il y a trop de barrages des forces de sécurité à qui nous sommes obligés de donner quelque chose pour passer », se désole un vendeur de manioc. « Nous dépensons beaucoup pour faire l’attiéké. Les choses coûtent trop chères et nous n’arrivons pas à nous en sortir. Moi je prends à crédit et après la vente je leur donne pour eux », avoue Janine engluée dans un système à risque.

Un vœu pieu

Devrons-nous le dire ? Ce secteur est pourvoyeur de beaucoup d’emploi pour de nombreuses femmes et même de jeunes. Sauf que les femmes ont ardemment besoin de financement pour vivre de cette activité. Ce secteur doit être assisté par des structures de financement de projets féminins telles le Fafci ou des microfinances.

Lire aussi / A.Gbogouri Grodji (prof de nutrition) : « Comment l’attiéké diététique combat la malnutrition »

Bien évidemment, le  ‘’Financement inclusif au sein de la chaîne de valeur agricole’’ qui est un programme qui vise à soutenir la filière manioc dans la réalisation d’un diagnostic détaillé des différents besoins financiers des acteurs de ce secteur ; la structuration d’une offre financière adaptée à ses besoins pour maîtriser les risques et les coûts de fonctionnement ; et la conception et le déploiement d’une offre adaptée pour les opérateurs de la filière manioc en Côte d’Ivoire sera le bienvenu pour conclure un tel partenariat aux fins d’aboutir à la concrétisation des actions à impacts direct et positif sur les femmes et les jeunes.

Vivement la réalisation de ce vœu !

Sékongo Naoua

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