Publié le 4 août, 2021

Les nuisances sonores sont le quotidien des Ivoiriens dans plusieurs quartiers d’Abidjan. Pourtant une loi réprime bien ces bruits de voisinage auxquels les populations sont parfois résignées à s’accommoder.

« Dans mon quartier, nous sommes entourés de maquis et bars. Depuis que j’y réside, toutes nos nuits sont faites de bruits de toutes sortes de musiques », se plaint Sévérin, résident de la Commune de Port-Bouët, secteur « Hôpital Ilot 1 ». Mais le jeune homme, abordé par l’équipe de reportage de VoixVoie De Femme, ce  24 juin 2021, confie qu’il a fini par s’habitué. « A mes débuts dans le quartier, c’était pénible. La musique faisait trembler parfois le toit, tellement le son était intense. Et chaque matin, je me réveillais très fatigué avec les maux de tête. Mais maintenant, ça va. Je suis habitué ».

Dans ce quartier, boites de nuit et maquis cohabitent. Les populations « vivent dans la musique » de jour comme de nuit. Le président des jeunes, Florent Bletchi, témoigne que les riverains n’ont très souvent que la matinée pour trouver un petit de calme. Un calme qui ne dure pas au-delà d’une demie douzaine d’heures de temps avant que les bruits ne reprennent. « On nous dit souvent c’est la nuit que ça se passe. Mais ces bruits de maquis commencent généralement à parti de 14h. Plus la nuit avance, plus le son monte en intensité. Chacun essaie d’attirer le maximum de clients, en augmentant le volume du son ».

Dans la plupart des communes d’Abidjan, les nuisances sonores sont devenues le quotidien des populations. De Port-Bouët à Abobo en passant par Marcory, Koumassi, Treichville, Cocody ou Yopougon, chaque commune a ses points chauds. Et les sources de ces nuisances concernent aussi bien les maquis et bars que les temples de prières. Sans oublier les tintamarres des véhicules sur les voies publiques et les gares routières. Un cocktail de bruits stridents de Klaxons, vrombissements de moteurs et autres crieurs publics…

Nocives à la santé

Il est pourtant établi que ces nuisances sonores sont bien nocives pour la santé ! « Vous faites trop de bruits, alors que le bruit, c’est la maladie et la maladie c’est la mort », met en garde, le Dr Kamelan Pokou Omer, Conseiller Technique du ministre de la Salubrité, de l’environnement et du développement durable.

Devant gérants de bars, maquis et autre guides religieux, à l’occasion d’un atelier de sensibilisation contre ces nuisances à Yopougon, l’expert faisait remarquer les risques auxquels ils s’exposent.

Il invoque le décret N°2016-791 du 12 Octobre 2016 portant réglementation des émissions de bruits de voisinage et qui réprime ces nuisances.

Ce décret définit clairement les nuisances sonores comme « tout bruit ou vibration qui sont de nature à présenter des dangers, à causer un trouble excessif aux personnes et à nuire à la santé ou à porter atteinte à l’environnement ». Le 12 octobre 2016, le ministre Bruno Koné, alors porte-parole du gouvernement avait précisé les seuils de tolérance de ces bruits de voisinage.  « La moyenne de valeur d’émission variera de trois décibels pour les zones les plus sensibles à six décibels pour les zones moins vulnérables ».  

Quant au décret n°2016-791 qu’il rendait public ce jour en conférence de presse, M. Koné avertissait d’une sanction de mise en demeure, prévue contre les auteurs des nuisances sonores, et le cas échéant, une saisie du matériel, source de ces nuisances.

En ses articles 11 et 12, ce décret stipule que : « Article 11- Aucun bruit ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité et sa vibration, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne ou d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité. Article 12- Toute manifestation bruyante susceptible de produire des émissions sonores de niveau supérieur aux normes indiquées à l’article 5 du présent décret est en préalable soumise à autorisation de l’autorité administrative compétente de la zone d’accueil dudit événement… ».

Les nuisances sonores font courir aux auteurs le risque de peines pénaux stipulés par l’article 103 du Code de l’environnement d’une amende de 50 000 à 500 000 FCFA.

Ce cadre juridique est mis en place pour permettre aux citoyens de pouvoir se plaindre à l’Agence nationale de gestion des déchets (ANAGED). Un centre d’appels pour contacter l’ANAGED est même mis à disposition ( 07 47 14 00 00 – 01 01 20 00 00 – 05 56 50 00 00).

« Mais nous n’enregistrons pas vraiment assez de plaintes. Les gens préfèrent se plaindre dans leurs salons », regrette un cadre de l’ANAGED. « Ils préfèrent parler directement avec les auteurs de ces nuisances. Mais rares sont les plaintes que nous enregistrons ».

Le président des jeunes du quartier Hôpital de Port-Bouët confirme cela. « On préfère parler directement aux auteurs qui sont aussi nos voisins. Généralement, le quartier ne se mobilise pas pour agir. Quand on leur parle, ils diminuent le son. Mais le son remonte dès que nous donnez dos. Ici les plaintes passent par le chef du quartier avant d’aller à la police c’est notre règle », témoigne Séverin.

Pour le sociologue Karamoko Vasseko, la persistance de ces nuisances sonores est due à un laxisme généralisé. Et c’est l’Etat qu’il pointe d’abord du doigt. « C’est d’abord l’État qui est chargé de mettre fin à cela », accuse M. Karamoko. Selon lui si les populations doivent régler ces questions entre elles, cela débouchera forcement sur des conflits. « L’Etat ne doit pas attendre que des gens se plaignent. Il doit déployer des équipes sur le terrain pour constater ces infractions », préconise-t-il.

Si le Dr Vasséko Karamoko se réjoui de cette volonté de l’Etat ivoirien de ratifier les conventions internationales, il dénonce son laxisme dans leur application effective.  « En matière d’applicabilité des lois, la Côte d’Ivoire est l’un des pays qui est à jour de toute les conventions internationales. Mais malheureusement pour leur application, l’État ne joue pas son rôle ».

Mamadou Sanogo (stagiaire)

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