Publié le 3 mai, 2020

La crise sanitaire créée par le coronavirus n’épargne aucun secteur d’activité. Le secteur de la pêche fraîche (industrielle) est totalement aux arrêts depuis le 28 mars dernier. Exposant des dizaines de mareyeuses à la précarité.

« Tout est arrêté. Tous les bateaux sont bloqués au port. Cela fait trois semaines qu’on ne travaille plus », fulmine, Dame N.B, mère de neuf enfants, à l’entrée du PC5 du port de pêche d’Abidjan-Treichville. Elle est venue ce matin pour s’informer de la date de reprise du travail. Mais la veuve retourne chez elle à Yopougon, sans aucune assurance…

Les mesures barrières contre le covid-19 respectés à l’entrée du port de pêche.

Comme, N.B, ce sont plusieurs dizaines de mareyeuses du port de pêche d’Abidjan-Treichville, mises au chômage, depuis le 28 mars 2020, pour cause de coronavirus. Avant la crise sanitaire, ces femmes venaient chaque latin, acheter du poisson frais, l’apprêtait avant de ravitailler les milliers de commerçants à travers le district d’Abidjan. La présidente de la Coopérative des mareyeuses de la pêche fraiche (Cmpf) Hadja Tetty Bamba, se désole de constater que cet arrêt total de l’activité ne concerne que la pêche fraiche. Puisque les bateaux venus des côtes mauritaniennes ou sénégalaises, continuent d’approvisionner le marché ivoirien de poisson conditionné…

On leur a en effet fait savoir que les armateurs chinois qui les approvisionnaient chaque matin, ont décidé de tout arrêter en attendant la maîtrise en Côte d’Ivoire de la pandémie. Les mesures barrières imposées à l’entrée du PC5 ne suffisent pas pour une reprise, même d’un service minimum.

La prudence des bateaux chinois

« Cette crise sanitaire est très sérieuse. Nous l’avons connue dans notre pays, la Chine. Donc nous n’avons pas l’intention de faire quelque chose qui puisse aggraver la situation dans votre pays. Nous préférons arrêter le travail le temps de reprendre », nous confie, W. M, l’un des armateurs chinois qui a accepté de nous parler. « Nous savons que c’est difficile. C’est également un manque à gagner pour nous. Mais nous préférons privilégier nos vies et celles de toutes celles et tous ceux qui travaillent avec nous ici », explique-t-il.

Difficultés économiques

La situation est déjà difficilement ressentie par la soixantaine de mareyeuses travaillant dans le secteur. Chacune est désormais privée de la recette journalière qui leur permettait de subvenir au besoin du ménage. « En plus de notre chômage, les clients qui nous devaient n’arrivent plus à écouler leurs marchandises à cause de la fermeture de certains marchés. Du coup, elles ne peuvent plus nous payer », explique la présidente de la Coopérative des mareyeuses de la pêche fraiche de Côte d’Ivoire (Sardinier). A en croire la présidente de la Cmpf, le secteur était déjà en crise quand le coronavirus est venu aggraver la situation. « Nous venions de reprendre le travail, après trois mois ralentissement de l’activité parce qu’il n’y avait pas suffisamment de poisson. Et une semaine après, on arrête tout », se désole-t-elle.

Le soutien de l’Etat très attendu

Organisées en Coopérative, Mme Bamba et les mareyeuses espèrent leur prise en compte effective par le programme social de l’Etat. Mi-mars, le gouvernement a pris 13 décisions pour riposter contre ce virus dont le premier cas a été détecté en Côte d’Ivoire le 11 mars. Le ministre des Ressources halieutiques, Dosso Moussa en avait donné l’assurance, le jeudi 16 avril dernier à Port-Bouët, lors d’une tournée d’explication. « Déjà des dossiers seront prêts pour que tous ces pêcheurs, mareyeuses, fumeuses et toutes ces fédérations qui sont affiliées au ministère, bénéficient de fonds pour que la relance économique après la crise du Covid-19 se passe dans les meilleures conditions pour le bonheur de tout le monde », avait promis M. Dosso, devant les milliers d’acteurs de la pêche.

« Aucune décision ne concernait le port de pêche fraiche. C’est plus d’une semaine après cette décision du gouvernement qu’on nous a fait savoir que les bateaux sont arrêtés », se souvient Jeannette Y, membre du bureau de la Cmpf. Cette jeune mareyeuse se plaint également de la précarité dans laquelle l’arrêt de leur activité a plongé toutes ces mères de familles.

L’administration du port de pêche ne doute pourtant pas du fait que ces femmes entrepreneurs seront bien prises en compte par le plan d’urgence de l’Etat. Une plateforme de l’Agence PME devra leur distribuer des questionnaires à renseigner en fonction des besoins. « Nous sommes à la phase d’identification de secteurs sinistrés par la crise. Et nous pensons qu’elles seront bien prises en compte », rassure notre interlocuteur. « Elles sont concernées par cette mesure de soutien de l’Etat. Ce sont des opératrices économiques. Elles ont des agréments.

Elles peuvent être identifiées dans le cadre des mesures d’urgence mises en place par l’Etat. Et si elles sont regroupées en coopératives, ce sera plus facile pour qu’elles soient prises en compte au niveau de plusieurs ministères notamment celui de la Famille et de l’enfant ou celui de l’Entrepreneuriat », t-il. Si pour le moment, elles n’ont pas été contactées dans ce cadre de ce programme d’appui, les mareyeuses espèrent une attention particulière à leur endroit. « Notre activité est totalement arrêtée. Pourtant, nous avons déjà payé les impôts et autres taxes. Nous souhaitons des allègements pour nous permettre de préparer une reprise de notre activité », plaident, en chœur, les mareyeuses du port de pêche.

OTBO

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