Publié le 2 août, 2021

En 2013, précisément le 5 août,  le  gouvernement ivoirien, par l’entremise du ministre d’État, ministre de la sécurité et de l’intérieur d’alors, Hamed Bakayoko, à travers  un communiqué, interdisait « toutes activités de mendicité au carrefour des grandes rues de la capitale économique ».  Malgré cette mesure d’interdiction, 8 ans après, le phénomène de la mendicité ne s’estompe point. Notre reportage.

Installés au coin des rues et des plus grands carrefours du district autonome d’Abidjan, les mendiants exercent tranquillement, et semblent ne pas être concernés par l’interdiction du gouvernement. Pis, ils impliquent de plus en plus les enfants en bas âges histoire d’exercer une pression psychologique sur les passants afin de parvenir à leur objectif majeur. Récolter le maximum de fonds par la pitié.

Aux bords du trottoir de la gendarmerie d’Abobo ce mardi 27 juillet 2021, il est exactement 11heures lorsqu’on aperçoit deux fillettes qui courent de partout. La peau salle, le visage pâle, ces jumelles dissimulées en mendiantes portent des vêtements assez ternes et des chaussures usées.
Elles accostent tous les passants, en moyennant quelques pièces. Face à un refus ou une réticence, celles qui travaillent visiblement pour leur mère assise non loin, adoptent une autre stratégie. Elles suivent le passant pendant quelques minutes tout en tirant et maintenant un bout de son vêtement. Si cette stratégie de pression marche parfois, il en faut bien plus pour convaincre dans bien de cas, car elles sont malgré tout, ignorées.



Il est maintenant 11 heures et 30 minutes, elles n’ont toujours pas obtenu de pièces.  L’une d’entre ces petites mendiantes s’approche d’une passante et lance « tantie, j’ai faim ». La jeune dame fait la sourde oreille et poursuit son chemin.
L’autre quant à elle, court et attrape les pieds d’un monsieur, qui lui tend une pièce. Elle pousse un ouf de soulagement et court immédiatement la remettre à sa génitrice, avant de revenir.

A un mètre d’elle se trouve un vieillard. Il est assi sur une natte avec une cuvette posée à même le sol qu’il utilise pour récolter des sous. Lorsque quelqu’un lui tend une pièce, il donne toutes les bénédictions qu’il peut, enlève ensuite la pièce, la garde soigneusement et attend le prochain bienfaiteur.

La commune d’Abobo semble être prisée par les mendiants, car on ne peut faire un mètre sans en apercevoir.

Toujours dans la même commune, devant le portail de la mairie, un endroit encerclé par les mendiants, une dame y passe ses journées avec des jumeaux. Lorsqu’elle ressent une présence humaine, elle lance « flani ambifo», (les jumeaux vous saluent) en langue Malinké, histoire de quémander de l’argent, ou tout acte de charité.

«  Je n’ai jamais aimé cette manière de mendier. Malheureusement beaucoup de personnes se cachent derrière l’islam pour faire cette pratique. Selon l’islam, pour tendre la main ou être mendiant, il y a des caractéristiques à avoir. La majorité des personnes qui mendient en bordure de route n’est pas autorisé. Et moi je désapprouve cela. », s’en plaint Dao Dembélé, riverain d’Abobo qui déplore ces pratiques. 

A Adjamé, les marchands et mendiants sont confondus. Sur le boulevard Nangui Abrogoua bondé de monde, cet après midi du 27 juillet, les mendiants sont installés ici et là. Un vieillard assis sur une natte égrène son chapelet, espérant que Dieu se souvienne de sa recette cette journée. Les passants tellement pressés pour la plupart ne lui prête aucune attention.

A quelques encablures, une mendiante est aussi assise à même le sol. Elle tient un parapluie en main. Les pieds sur la route, elle attend patiemment que les personnes de bonnes volonté lui jettent des pièces. «Je n’ai aucune compassion pour les mendiants. Mais je me pose des questions. Où est leur famille ? Le village n’est-il pas une autre option ? N’y a-t-il pas de petits métiers à faire ? », s’interroge Ochto Fidel, riverain de la commune d’Adjamé.

Dans la commune de Port Bouet, « un homme se fait guider par un enfant qui le dirige avec une assiette en main. Et le vieux dit : « si vous me donnez Dieu vous le donnera. » Ils espèrent qu’en rentrant, ils auront une pitance. Ce genre de personnes avec toutes leurs facultés entrain de mendier m’énerve.  Elles peuvent travailler donc je ne leur donne pas mon argent de peur de les encourager », confie N’Da Konan, un riverain de Port Bouet.

Aucune commune d’Abidjan n’est épargnée par ce phénomène de la mendicité qui grandit de jour en jour. Une situation qui a amené la mairie de Treichville à mener une vaste opération de déguerpissement dans la commune il y a deux mois. Cette opération dont le suivi durera 6 mois selon le conseil municipal vise à lutter contre l’insécurité et le désordre.

La loi à propos de la mendicité

Dans le code pénal ivoirien, une loi sanctionne la mendicité. Selon l’article 190 du code pénal : « toute personne qui capable d’exercer un travail se livre à la mendicité est punie d’un emprisonnement de 3 à 6 mois et peut être frappée pendant 5 ans d’interdiction de séjour, ou d’interdiction du territoire de la république, ou interdiction de paraître dans certains lieux. » Nonobstant cette loi, la mendicité semble être légale dans les rues d’Abidjan.

Audrey Apie (stagiaire)

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