Publié le 10 août, 2022

À la tête du conseil municipal de Jacqueville depuis 2013, le maire Joachim Beugré s’active pour donner à Jacqueville un visage reluisant. Faire de ce gros village qui a pris l’allure d’une ville, la première destination touristique de Côte d’Ivoire. Voiedefemme.net l’a rencontré. Interview !

9 ans que vous êtes à la tête de la commune de Jacqueville. Quel bilan ?

Je voudrais vous remercier pour l’opportunité que vous me donnez de parler, non pas de moi mais, de Jacqueville. La nature fait que les hommes oublient vite. J’ai été élu maire le 21 avril 2013, dans des circonstances que toute la Côte d’Ivoire sait. Jacqueville, à cette époque, était un gros village, totalement enclavée. Il fallait commencer à devenir une ville. Dans la vie, il y a des choses que les yeux voient, que les oreilles entendent et celles qui se font de manière silencieuse et souterraine. C’est donc l’ensemble qui finit par ce faire voir avec le temps.

Le pont avait commencé sous le régime du président Laurent Gbagbo en 2009 et les travaux ont été suspendus puis repris par le président Ouattara dès son avènement au pouvoir. Et finalement, c’est le 21 mars 2015, qu’il nous a été livré. Donc dans ce laps de temps, de 2013 à 2015, ma priorité était de faire toutes les démarches possibles auprès des gouvernants pour que ce pont voit le jour. C’est ma première action en tant que maire.

La deuxième, il fallait sensibiliser les parents à accueillir le pont. Parce qu’une fois qu’il est là, les habitudes vont changer immédiatement. En termes de gestion foncière, de sécurité, de projets de développement, d’opportunités… C’est donc un travail de sensibilisation qui a été fait pour éviter l’anarchie une fois la ville désenclavée, une fois le monde installé. Lorsque nous avons eu le pont, nous avons repris la sensibilisation auprès des cadres de la ville pour qu’ils y investissent. Parce que le pont ayant rapproché Jacqueville d’Abidjan ou d’Abidjan de Jacqueville, nous savions que désormais, les gens dormiraient à Jacqueville pour aller travailler à Abidjan et vice versa. Nous n’avons pas été jusque-là très suivi mais ce que nous avons constaté, c’est l’engouement au niveau de l’activité touristique.

Maire élu en 2013, j’ai dit qu’au bout de 10 ans, je souhaiterais que Jacqueville soit la première destination touristique de Côte d’Ivoire. Je crois que nous en sommes pas loin ! En 2013 quand j’arrivais, nous avions seulement une dizaine d’hôtels. Aujourd’hui, sur le terrain communal, du premier village au dernier, nous avons une soixantaine d’hôtels dont une quarantaine d’hôtels propres. On s’attelle à former les restaurateurs, les hôteliers à l’accueil des visiteurs. Donc c’est en permanence des formations que nous faisons avec la fédération des hôteliers de Jacqueville et le Fdfp pour former un personnel qualifié apte à travailler dans ces hôtels-là. Parce que la vocation de Jacqueville c’est le tourisme. Ce qui va entrainer le développement définitivement de notre cité, c’est l’industrie touristique.

Il faut le dire ! Aujourd’hui, Jacqueville n’est plus un village. C’est une ville qui s’est imposée dans l’environnement touristique de Côte d’Ivoire par ses atouts naturels ajouté à certaines structures de l’État installées chez nous notamment l’Académie de lutte contre le terrorisme. Notre ville est d’avantage connue pour sa richesse en gisement de gaz et de pétrole. Avec ces atouts, cela nous permet de négocier davantage avec le gouvernement pour que les retombées de ces gisements qui profitent à la Côte d’Ivoire puissent profiter aussi à Jacqueville.

Vous l’avez dit Jacqueville n’est plus un village, elle est devenue une ville. Or, les infrastructures de base telles le marché moderne, longtemps promis, n’a pas encore vu le jour.

Ce marché que nous avons hérité de l’ancienne posture de Jacqueville existe et nous avons en projet de le moderniser. Mais il n’est pas question pour moi de faire un grand marché pour la ville où tout le monde y converge. Je suis plutôt pour faire plusieurs marchés de taille moyenne dans chaque grosse zone pour rapprocher les populations des marchés. C’est un peu ça ma philosophie. Et même pour les centres de santé. Certes, il faut moderniser et équiper le grand centre hospitalier qui est à Jacqueville, mais il faut mettre l’accent sur les centres qui sont dans ces gros villages. Plus accessibles aux populations. Donc on viendra au marché de Jacqueville pour trouver des choses rares. Les choses basiques qu’on consomme au quotidien peuvent être trouvées dans un grand quartier comme la Sicor. Dans un village comme N’djem, ce marché existe déjà, je l’ai réhabilité et cela marche correctement. Dans des villages comme Sassako, il faut des marchés. Dans un village comme Addah qui est à une trentaine de kilomètres de Jacqueville, il lui faut un marché. On ne va pas faire un gros marché à Jacqueville, pour que la ménagère qui quitte Addah parcoure 35 kilomètres. Ce marché moderne dont nous rêvons va finir par voir le jour. C’est déjà inscrit dans le programme triennal de 2023-2025. Mais à côté de ce marché, l’une des vocations de Jacqueville doit être aussi la pisciculture. Nous envisageons la construction des marchés dédiés spécialement aux poissons. 20 millions Fcfa ont été budgétisés pour ces projets. Dès 2023, une première dizaine de millions sera dégagée.

Dans une interview que vous avez accordée à un confrère, vous avez dit avoir mis l’accent sur le volet social. Vous avez aussi dit que cela a impacté vos investissements. Aujourd’hui concrètement qu’avez-vous fait ?

Je vous ai dit que beaucoup de choses se font qui ne sont pas forcément visible. Je tiens à l’environnement social et même sociologique et psychologique. On ne peut pas demander à un villageois qui vend son attiéké, devant sa porte, du jour au lendemain, de payer des taxes sans le préparer à cela et même pourquoi il doit le faire. En tant que maire, j’estime que ma contribution sociale est d’abord, de ne pas mettre la pression sur toutes ces femmes et tous ces hommes qui vendent des petites choses leur permettant de vivre et ne pas tendre la main. Avec les services des impôts, nous avons décidé de faire le tour pour les sensibiliser, leur donner du temps mais, en les préparant à apporter leur contribution.

Vous me demandez mon bilan social ? Pour moi, le fait de ne pas harceler ces petits commerçants en leur donnant le temps à se préparer à apporter leur contribution, c’est du social. Au niveau de la jeunesse communale, lorsqu’ils ont installé leur bureau, il y a trois ans, nous leur avons octroyé un terrain pour en faire une ferme. Les travaux vont démarrer incessamment. Une cérémonie pour la pose de la première pierre de cette ferme sera bientôt organisée.

Nous avons aussi des fonds qui reste méconnus des populations malgré toute la campagne faite au niveau national, à la télé, par les autorités ou par l’Etat. Donc dans le cadre social, le maire envoie des missions aux femmes et aux jeunes pour leur parler de l’existence et le bien-fondé de ces fonds. L’exemple du Fafci est démonstratif parce qu’il aide les femmes. Vu de Jacqueville, cela semble être si loin d’eux. On essaie de leur expliquer. Et certains à partir de ces petites informations de proximité qu’on leur donne prennent l’initiative. Parce que si vous loger des fonds et puis vous faites des discours à la télévision, la femme qui est à Abbreby , celle sur l’île Deblay ou à Toukouzou ne se sent pas forcement concernée.  Mais quand le maire se déplace pour dire aux femmes, « chères mamans, chères sœurs voici quelque chose qui vous appartient », la perception change. « C’est notre fils qui est venu nous parler. Ce ne sont pas seulement les femmes d’ailleurs qui peuvent en profiter. Nous aussi on peut en bénéficier… ». Donc voici des techniques que j’utilise pour amener les femmes à saisir les opportunités.

Lire aussi : Plan Pollumar 2022 : le Ciapol rassure la population

Parlant de l’autonomisation des femmes, à Jacqueville qu’est ce qui se fait concrètement ?

D’abord, les femmes de Jacqueville sont très bien organisées. Ce qu’elles appellent le forum est supervisé par la directrice régionale du ministère des femmes, de la famille et des enfants. Et la plateforme regroupe plus de 200 associations de femmes donc ce sont des milliers de femmes. Il faut l’avouer, c’est difficile d’aider individuellement les femmes. Mais quand elles viennent en petites associations pour que nous les aidions, nous leur conseillons de se mettre ensemble.

Et depuis 5 ans elles ont créé ce qu’on appelle le forum des femmes du département de Jacqueville. Nous leur avons donné un endroit pour faire un siège, les avons appuyées financièrement et ce siège existe aujourd’hui et leurs permet de se retrouver pour poser leur problème. Ici les choses sont plus aisées parce que ce sont les femmes qui sont en ville et ce sont des femmes qui ont déjà quelques activités et de petites informations sur les fonds dédiés à l’autonomisation des femmes. C’est ce que nous faisons également quand nous partons dans les villages.

J’insiste là-dessus parce que la commune de Jacqueville est une petite mairie avec un budget d’environ 300 millions, dont 80 millions pour les salaires et autres charges de fonctionnement. Et juste une centaine de millions pour les investissements. C’est très peu, donc ce que nous faisons pour le moment nous guettons toutes les opportunités que l’Etat ou les Ong offrent. Et nous orientons les femmes vers ces structures-là. Et par la grâce de Dieu, elles reviennent avec de bons résultats.

(La suite, la semaine prochaine)

Interview réalisée par Djolou Chloé

Ajoutez votre commentaire