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Il s’agit d’une liste de vingt produits. Ceux-ci ne doivent plus quitter le sol ivoirien sans autorisation, sous peine de sanctions. Une décision qui n’est pas sans conséquences.

La nouvelle est tombée comme un couperet. Alors que la Coupe d’Afrique des Nations bat son plein en Côte d’Ivoire, une mesure économique surprise a été annoncée. Dans une note en date du lundi 15 janvier 2024, les ministères du Commerce, de l’Agriculture et des Finances annoncent la suspension d’exportation de certains produits vivriers. La mesure court pour une période de six mois. Il s’agit de vingt produits, parmi lesquels le manioc, l’igname, le riz et l’attiéké. La prise de cette décision s’appuie sur un décret de 2022 qui institue une autorisation préalable à l’exportation de tout produit vivrier. Le texte justifie cette nouvelle mesure au nom de « la sécurité alimentaire des populations vivant en Côte d’Ivoire » et promet des sanctions aux contrevenants.

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Le porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication, Amadou Coulibaly, a dénoncé la « spéculation sur les produits vivriers qui sont souvent achetés bord champ à vil prix au profit de marchés régionaux où ils sont vendus à prix d’or ».  Est-ce que cette mesure est due aux prévisions faites par la Société d’exploitation et de développement aéroportuaire, aéronautique et météorologique en Côte d’Ivoire, Sodexam, qui annonce une longue et violente saison sèche, ou au fait que le pays a enregistré plus de 1,5 millions de personnes venues d’autres pays pour la CAN ? Quelle que soit la raison, l’interdiction d’exportation de certains produits vivriers reste une décision qui a de graves conséquences.

Ce vendredi 26 janvier 2024, nous sommes en contact téléphonique avec Abiola (nom d’emprunt), fabricante d’attiéké à l’usine d’Abobo Baoulé. Abiola emploi cinq personnes en permanence. Sans tenir compte des autres. Ceux qui épluchent le manioc, le découpent, broient et sèche la farine issue de toutes ces étapes. En dehors des dimanches l’équipe de Abiola travaille chaque jour parce qu’elle a une partie de sa clientèle hors du pays. Ce 26 janvier l’équipe de Abiola travaille au ralenti depuis l’annonce de la mesure. Combien de personnes sont dans le cas de Abiola ? Combien de familles vont se retrouver sans revenu pendant ces six mois décidés par la mesure ?

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Après la double augmentation du prix du kilowattheure du courant en juillet 2023 et en janvier 2024, voilà encore une mesure qui va donner la migraine aux populations ivoiriennes. Comment se procurer de la nourriture ? Une question difficile à répondre pour l’ivoirien actuellement. La mesure est dure.

La décision concerne les usagers du commerce extérieur dont les exportateurs et les importateurs. Selon la note conjointe des ministères impliqués, il s’agit d’assurer un approvisionnement régulier des marchés en produits vivriers, à l’effet de garantir la sécurité alimentaire des populations vivant en Côte d’Ivoire.

De janvier à juillet 2024, c’est une vingtaine de produits vivriers qui est ainsi frappée par cette suspension temporaire d’exportation. Il s’agit des racines et tubercules, à savoir le manioc et l’igname, les céréales comme le maïs, le riz, le mil, le sorgho et le fonio. Les fruits et légumes sont également concernés par cette décision, tels que la banane plantain, le piment, l’aubergine, la tomate et le gombo. Pareil pour les oléagineux dont la graine de palme. Du côté des produits dérivés, l’attiéké, la semoule de manioc, la cosette de manioc, la pâte de manioc (placali), la poudre de gombo (djoumgblé), la poudre de piment et la poudre de maïs, tombent sous le coup de cette interdiction d’exportation.

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« C’est l’équilibre entre une politique incitative et alimentaire. Elle s’adapte toujours à des évènements conjoncturels. Peut-être que la Can en est un qui justifie qu’on puisse fournir l’afflux de personnes qui sera présent et qui demandera, je l’espère, des produits locaux et vivriers. Ce type de mesures est assez rares parce qu’il est très critiqué au niveau international. Si on s’amuse tous à faire des restrictions aux exportations, on bloque potentiellement les échanges mondiaux et on sait qu’il y a des pays qui dépendent de leurs importations », a déclaré Steven Le Faou, consultant spécialiste de l’interdépendance des marchés européens et africains.

Sékongo Naoua

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