Publié le 16 septembre, 2022

« Inimaginable et impossible pour moi de travailler à la morgue », affirme péremptoire N’godi Adou. Cette seule phrase est symptomatique du cliché qu’on colle à ce métier : travailleur à la morgue. La peur ? Forcément le contact permanent avec les cadavres est pour quelque chose dans la perception de la société sur ce métier. Or, travailler à la morgue n’est pas forcément lié à laver les corps de morts. Il y a autre chose à faire dans ce lieu sinistre. Et puis ce métier d’homme est aujourd’hui un travail pour tout le monde.

Des femmes aussi y travaillent avec passion. Comment vivent-t-elles au quotidien ? Pourquoi le choix de ce métier fuyant ? Nous sommes allés à la rencontre de deux grandes dames qui pratiquent depuis plus de cinq années l’univers du « silence ». Reportage !

morgue

En nous rendant dans les morgues du Chu de Treichville et celle de Port-Bouet, notre objectif était d’en savoir davantage sur le quotidien de ces femmes.

Ce jeudi 3 février 2022, nous décidons de commencer notre visite par la morgue de Port-Bouet. Sur les lieux, nous constatons d’emblée que des femmes dévouées s’y trouvent non pas pour une visite, mais elles y sont parce qu’elles y travaillent. Dans l’enceinte de la morgue, au parc automobile, deux corbillards stationnés, attendent. Ce n’est pas l’affluence des grands jours. En attendant, les chauffeurs sont assis juste en face, sur un long banc. Le vigile à qui nous nous présentions, nous conduit immédiatement à la direction générale. Dans les locaux des responsables de cette morgue, nous sommes reçus par une dame qui a requis l’anonymat. A notre question de savoir s’il y a des dames qui travaillent dans ces lieux, notre interlocuteur répond par l’affirmatif. « … Oui, elles s’occupent des corps de femmes également. D’ailleurs, vous venez de dépasser une à l’entrée », déclare-t-elle.

Un travail de cœur…  

SH, une femme, la quarantaine révolue aux rondeurs africaines, est habillée en tenue blanche de travail. C’était le moment de répit, les différentes prièrent mortuaires avaient débuté. Il est 10h15 sous un soleil de plomb. Nous nous approchons d’elle et découvrons avec enchantement que c’est une dame douce qui nous fait face. « C’est un travail de cœur ! », dit SH quand nous lui demandons si elle n’avait pas peur de travailler dans ce sanctuaire de morts. « J’ai choisi de faire ce travail par passion et le don de soi », avoue-t-elle avec une voix dynamique. Pour cette dame, il n’y a pas de mal à faire ce métier. Surtout pour sa famille. « Mon époux connais mon travail et il en est fier. La famille également. Mais, j’ai très peu d’amies et c’est une seule qui le sait. Au départ, ils étaient tous sceptiques avec l’image, mais avec le temps ils ont compris que tout le monde peut travailler à la morgue », indique SH qui révèle que souvent, « nous entendons des choses parfois désolantes et pas vraies ». En exemple, raconte-elle, « Quelqu’un peut te dire que même pour tout l’or du monde, il ne pourra faire ce métier ». Mais, selon elle, il y a encore pire. Les travailleurs de la morgue s’entendent dire que « Ils font ce métier pour le trafic d’organes ». SH ne partage pas ces allégations. Elle précise que le destin de tout homme « passe par là ».

Toutefois, elle estime que malgré les difficultés du mysticisme, ce métier reste un don de soi, un travail de cœur… 

… de courage aussi

Chu Treichville, ce même jour en pleine journée. A l’entrée, un chauffeur est plongé dans les bras de Morphée. Dans l’enceinte de la morgue, nous sommes interpellés par un homme en blouse blanche portant des gants. Il fait partie des employés de cette morgue. Nous nous présentons et lui faisons cas des raisons de notre présence. Il nous indique sa collaboratrice qu’il appelle affectueusement « la mère ». Sortant des locaux de la morgue, pour dame ANZ habillée en pantalon jeans et tee-shirts, cigarette à la main, de teint clair, lèvre noire, c’est l’heure de descente. Le regard lointain, elle indique que son travail demande énormément de courage. « Mais avec le temps, on peut s’adapter à ce travail. Dieu, Courage, esprit dur et la prière, voici ce qui nous permet de tenir. Souvent quand tu as envie d’arrêter, tu te poses la question : qui viendra remplir cette obligation ? Lorsqu’une mère, une sœur, une fille, une femme, décède, vous savez à quel point c’est difficile pour la famille du défunt de s’en occuper. Nous, en le faisant, c’est une manière de leur dire « Yako », courage… », admet-elle en avouant qu’elle garde en secret son travail pour ne pas avoir à se justifier. Elle croit qu’elle accomplit une mission divine dans le sanctuaire des morts.

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Mam Ouattara

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