Kané Maoula a obtenu le prix de meilleur acteur Ouest-africain à la 5ème édition de Sotigui Award 2020.

Publié le 22 mars, 2021

Le comédien ivoirien Kané Mahoula Ismaël  était l’invité de la Rédaction de VoixVoie De Femme, ce mardi 11 mars 2021. L’acteur de cinéma qui a glané plusieurs lauriers a fait un tour d’horizon sur le métier qu’il a choisi et l’industrie cinématographique en Côte d’Ivoire. Nous vous proposons la première partie de cette interview.

La Côte d’Ivoire est en deuil depuis le 10 mars dernier avec le décès du Premier ministre Hamed Bakayoko, un homme réputé proche des artistes. Comment réagissez-vous face à cette disparition ?

La douleur est grande. Lui et moi sommes de la même région. Je suis originaire de la région du Woroba, tout comme le Premier ministre Hamed Bakayoko. Que Dieu lui accorde le paradis. Certes, nous ne nous sommes jamais rencontrés. Je me souviens que nous nous sommes un jour levé la main de passage de voiture en voiture. J’ambitionnais le voir avec un projet. Mais Dieu en a voulu autrement, hélas.

Nous, les hommes de culture, avions l’impression que c’était lui le ministre de la Culture tant il s’y investissait. Si c’était lui notre ministre de tutelle, les artistes seraient bien, je pense. Et s’il était un jour président de la République, il ferait beaucoup plus pour le pays. Avec son décès, la Côte d’Ivoire perd quelque chose.

En novembre dernier, vous avez obtenu le prix de meilleur acteur de l’Afrique de l’Ouest à la 5ème édition de Sotigui Awards à Ouagadougou au Burkina Faso. Quel sentiment avez-vous eu lorsque vous avez été reçu ce prix.

En tant qu’ être humain, recevoir un tel prix, ça fait toujours plaisir. Pour moi, ce n’est pas pour le long métrage que j’ai eu ce prix. C’est tout le travail fourni, depuis ma formation d’acteur studio avec Sidiki Bakaba, en passant par les pièces de théâtre, les feuilletons, les séries, qui est consacré.

Ça fait plaisir. Cela veut dire que mon travail a dépassé les planches ivoiriennes. Vous savez que l’Académie de Sotigui est composé d’érudits en art. Quand leur choix se porte sur vous, ça fait plaisir.

Ce prix m’a donné le sentiment d’avoir porté haut le drapeau de mon pays. Je suis patriote et ça me fait toujours plaisir de contribuer au rayonnement de mon pays.

Comédien, humoriste, acteur… comment vous vous définissez très concrètement ?

Tout le monde est humoriste. Quand vous faites rire les gens, vous êtes humoristes. Donc nous sommes tous des humoristes. Mais moi, je suis comédien. C’est-à-dire un professionnel de la scène, un acteur professionnel. Pour être comédien, il fait être professionnel. Parce que la création d’une pièce peut prendre deux mois. Or un acteur peut faire d’autre chose et consacré à la scène des moments occasionnels.

Vous avez joué et continuez de jouer dans plusieurs œuvres cinématographiques. Les Ivoiriens vous découvrent dans plusieurs séries, films et feuilletons. Notamment « Sida dans la cité », « Les coups de la vie », «Si Dieu n’existait pas» de Guy Kalou « BAM » (Brigade anti-maîtresse), « Furia »… Vous êtes bien sollicités par les réalisateurs. Quel est votre secret ?

Je remercie Dieu pour cela. C’est une grâce de Dieu. La Côte d’Ivoire regorge de nombreux comédiens de talent. Et quand on vous sollicite régulièrement dans ce groupe, je dis que c’est Dieu qui permet cela. Pas seulement le travail. Parce qu’il n’y a pas que le talent qui compte. Tous les artistes talentueux n’ont pas les mêmes opportunités. Je rends grâce à Dieu pour ces opportunités qu’il m’offre.

Dans le cinéma, il y a plusieurs types de film… Dans quelle catégorie vous vous sentez le plus à l’aise ?

Les twirlers. Les films à émotions fortes parce que j’aime bien les rôles de psychopathes.  

Pourtant ce n’est pas toujours le cas. Notamment pour Cacao, où vous jouez le rôle de gendarme….

« Cacao » c’est plutôt aventure ou suspense, un drame. Mais les Twirlers, c’est plus l’émotion. Et là j’aime les rôles de maniques.

Pouvez-vous citer un tel film dans lequel vous avez joué ce rôle ?

Oui. « Dans les bois ». C’est un film école. C’était en 2006-2007. Dans ce film, je joue le rôle de quelqu’un qui est dans les bois et qui s’en prend à tous ceux qui viennent détruire la nature. C’est un homme ordinaire dans la vie de tous les jours, mais qui dévient sauvage quand il arrive dans les bois.

Où avez vous appris ce métier ? Avez-vous eu une formation académique ?

J’ai fait la TOP Studio du Russe Constantin Stanislavsky. En Côte d’Ivoire s’était dirigé par le doyen Sidiki Bakaba, l’ancien directeur du Palais de la Culture d’Abidjan. En plus de ses modules universels, Sidiki Bakaba y avait ajouté sa touche africaine. Nous nous sommes formés dans cette école d’abord durant deux ans, jour pour jour. Après ces deux années, j’ai commencé à tourner dans « Sida dans la cité en 2003 », ensuite s’en sont suivies les publicités. Je suis retourné à la TOP Studio pour y faire deux autres années de formations. Au total, j’ai fait quatre ans de formation d’art dramatique.

Que devient cette école aujourd’hui ?

Malheureusement, elle est fermée. Nous ne sommes pas trop futés en Côte d’Ivoire et même en Afrique. Dès qu’il y a un problème politique, on met tout dans la même casserole. Avec ce que la Côte d’Ivoire a connu durant la crise post-électorale, Sidiki Bakaba, qui est proche de l’ancien régime de Laurent Gbagbo, a quitté le pays. Et l’école a fermé. Donc la TOP Studio n’existe plus en Côte d’Ivoire, malheureusement.

Voulez-vous dire que la Côte d’Ivoire ne dispose d’aucune structure qui prenne le relais de cette école ?

Nous faisons l’effort de combler le vide. Je forme les jeunes qui aspirent à ce métier. Je forme particulièrement sur des sessions d’un mois. Je fais l’effort de me détacher des plateaux de tournage pour partager mon savoir avec mes frères et sœurs. Je fais six séances dans la semaine. Mon école est situé à Abidjan les Deux-Plateaux.

Est-ce que vous avez une activité secondaire, en plus de la comédie ?

Je fais tout ce qui est artistique. Je suis directeur d’acteur, je suis chef de projet de films.

Dans une interview accordée en 2015 à un confrère, vous dénonciez la mauvaise gestion des fonds destinés au cinéma et la mauvaise qualité des films. Il y a-t-il une évolution à ce jour?

Nos plaintes ont permis que ça change. Aujourd’hui, les choses ont évolué. Ce n’est plus comme avant. Nous avons des séries de qualité. J’ai eu la chance de jouer dans « L’invisible », un film qui a tiré les gens vers le haut. Nous avons maintenant une concurrence qui ne dit pas son nom. Aujourd’hui, grâce aux réseaux sociaux, tout le monde se ruent vers la qualité.

Mais cela ne veut pas dire qu’avant, il n’y avait pas de film de qualité. Bien au contraire. C’est d’ailleurs l’occasion pour moi de rendre hommage à Sidiki Bakaba, Timité Bassory, Gnoan M’Bala, Lance Touré… pour la qualité de leurs films qui continue de nous inspirer.

J’observe cependant qu’il y a eu une sorte de cassure et qu’il n’y a vraiment pas eu de passage de témoin entre les générations.

Dieu merci aujourd’hui, la Côte d’Ivoire produit des films de qualité.

Rêvez-vous d’être réalisateur un jour ?

Mon papa, feu Lance Touré me disait : « Il faut écrire, il faut réaliser ». Il me disait que j’avais déjà une attitude de réalisateur sur le plateau de tournage. Je suis en train de prendre mes marques pour réaliser. Mais, à court terme, je m’apprête à tourner mon premier long métrage.

Suite dans le prochain numéro de voiedefemmet.net ( du 29 mars au 5 avril 2021).

Ténin Bè Ousmane

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