Publié le 11 avril, 2020

Siégouékou, des vaccinés contre le COVID-19 ?

Siégouékou à Ouragahio en Côte d’Ivoire, victime d’une fake news sur les réseaux sociaux indiquant que ce village serait un laboratoire d’essai au vaccin expérimental CODIV-19. Faux retorque le chef du village.

Que s’est-il réellement passé ? Des femmes vaccinées contre CODIV-19 à Siégouékou ?

Le département de Gagnoa, Siégouékou, village de la sous-préfecture d’Ouragahio, est cité parmi les localités où ce vaccin aurait été administré aux populations, dont des femmes. Vrai ou faux ? Nous y sommes allés pour en savoir davantage.

Dès 6h30 du matin, de ce mardi 7 avril, nous quittons Gagnoa pour Ouragahio, sur une distance de 17 km. Dans le véhicule de transport en commun au bord duquel nous montons, les mesures de prévention du Covid-19 ne sont pas appliquées par le chauffeur et son apprenti, encore moins les voyageurs. Porter un cache nez n’étant pas encore à l’ordre du jour chez ces derniers.

Une fois à Ouragahio, nous sollicitons un taxi-moto pour joindre Siégouékou, distant de 4,5 km.

Nous voici au domicile du chef de village Zahiri Dazéré. Nous lui expliquons qu’il se raconte que, son village a fait l’objet d’un dépistage contre le Covid 19. Pis, que le virus du coronavirus aurait été injecté aux populations sur place leur faisons croire qu’il s’agissait d’une vaccination de routine.

Le chef Zahiri Dazéré nous confie: « Aucun de mes administrés n’a reçu de vaccin en rapport avec le Covid-19.  C’est archi faux. Ce sont les réseaux sociaux qui racontent toutes ces histoires ».

                    Dépistage du Sida ou du Covid 19 ?

Voici ce qui s’est réellement passé : A en croire le chef, tout a commencé le 19 Mars dernier lorsqu’une Organisation non gouvernementale (ONG) œuvrant dans le domaine du VIH-Sida est arrivé dans le village pour une campagne de dépistage. « Selon les agents de cette structure, ils ont fait le tour de tous les villages du canton Gbadi-Est. C’était maintenant le tour de notre canton et mon village était le premier sur leur agenda.                                       Vu l’importance de leur mission et au regard du désastre que cause le Sida à travers le monde, je n’ai pas hésité un seul instant à leur donner l’autorisation de faire leur travail », nous informe le chef. « Ils n’ont rien fait d’autre que le dépistage du Sida ». Les spécialistes du Sida avaient déjà dépisté 16 personnes dont 9 femmes et 7 hommes, lorsque l’information, comme une trainée de poudre a fait le tour de tous les villages de la sous-préfecture,  annonçant que Siégouékou sert de laboratoire d’essai au vaccin du Coronavirus.

Nos investigations nous permettent de rentrer en contact avec les personnes dépistées. Parmi elles, se trouve Agbadou Bolo Constance, l’une des 9 femmes du village ayant reçu la visite des agents de l’ONG. La ménagère a réfuté l’information selon laquelle le dépistage mené par l’ONG portait le sceau du Covid-19. « Je me porte bien et même très bien », s’empresse-t-elle de nous dresser son bilan de santé. « Si c’est le virus du Corona qu’on m’avait injecté, je ne serai pas en vie 3 semaines après le passage de l’ONG. Nous, à ce que je sache, n’avons pas été dépistées contre le Covid 19. Rassurez-vous toutes les femmes qui ont été visitées par l’ONG se portent à merveille. Certaines sont allées en brousse ce matin pour s’occuper des activités champêtres. Je persiste et je signe, nous avons été dépistées pour le Sida », souligne la porte-parole des femmes dépistées du Sida. « On a piqué le bout de mon doigt avec une seringue pour recueillir le sang. Puis le liquide a été placé sur un matériel médical pour déterminer mon statut. Séance tenante, on m’a signifié que j’étais négative », a ajouté Constance. La femme dit ne pas être à son premier test de dépistage du Sida. Plusieurs années en arrière, alors qu’elle résidait à Abidjan, et portant une grossesse, elle avait subi le même test. « A Abidjan comme ici au village, c’est la même technique de dépistage qui a été utilisée par les agents de santé », précise notre interlocutrice.

A côté des femmes, des hommes ont été aussi dépistés. C’est le cas de Jean Marc Douza. Il explique pourquoi il s’est soumis à ce dépistage. « En tant que jeune, j’ai eu récemment des rapports avec des filles. Je voulais avoir le cœur net sur mon statut sérologique. Dieu merci, il s’est avéré négatif », se félicite ‘‘le coureur de jupon’’.

   Rumeur du vaccin COVID-19, les habitants  de Siégouékou interdits de se rendre dans les villages voisins. 

La rumeur de Covid-19 à Siégouékou a impacté négativement le village. Selon le président des jeunes Sibally Privat, ses parents et lui font l’objet de stigmatisation de la part des autres villages depuis que cette affaire a éclaté. « Il nous est désormais interdit d’arriver dans les autres villages. Tout comme les villages voisins refusent de mettre pied chez nous, de peur d’une possible contamination » regrette. « Pourtant, il n’y a jamais eu de vaccination contre le Covid 19 ici. C’est plutôt un dépistage du Sida qui a été fait », corrige le responsable des jeunes. Il s’est engagé depuis quelques jours à mener une campagne de ‘‘désintoxication’’ des uns et des autres pour que le regard jeté sur son village change.

Le village envisage de porter plainte contre X

Sibailly Privat se propose de porter plainte contre tous ceux qui distillent de fausses informations sur son village, via les réseaux sociaux.

Kessié Lourougnon, chef de l’une des grandes familles du village s’est également insurgé contre les animateurs des réseaux sociaux qui dit-il, ne prennent pas soin de vérifier les informations avant de les publier. « Celui qui a fait le post sur les réseaux sociaux pour dire qu’à Siégouékou il y a des personnes infectées du Covid-19 ne s’est même pas déplacé jusqu’au village pour se renseigner », se désole le doyen d’âge.

Alain Doua

Ajoutez votre commentaire