La présidente du MICH plaide pour plus d'"engagement de l'Etat en faveur des handicapés.

Publié le 22 septembre, 2020

Le Mouvement ivoirien des citoyens handicapés (MICH) de Me Brigitte Mensah Roger-Gouria, se félicite des acquis notables de son mouvement, notamment la ratification, en 2014, de la convention 61-106 des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, et l’accès à l’isoloir des handicapés avec la personne de leur choix lors des scrutins en Côte d’Ivoire. L’avocate, lauréate du Prix pour la Valorisation des Compétences Féminines de 2018, était l’invitée du Magazine VoixVoie De Femme, jeudi 17 septembre 2020, à son siège d’Abidjan-Cocody. La Présidente du MICH a répondu aux questions de la Rédaction.

Pouvez-vous nous parler de votre ONG, le Mouvement ivoirien des citoyens handicapés (MICH) ?

Le Mouvement ivoirien des citoyens handicapés est une structure mixte. Tous ses membres ne sont pas des handicapés. Cela veut dire que les personnes handicapées n’ont pas pour ambition de vivre entre elles-mêmes. Nous sommes au sein du MICH pour les personnes handicapées et les personnes valides. En termes de personnes Handicapés, nous sommes 10 sur 25 personnes. Le MCIH a pour objectif de promouvoir la pleine citoyenneté des personnes en situation du handicap. Nous sommes des personnes handicapées à part entière et non entièrement à part. Donc on s’est rendu compte que les handicapées n’ont pas beaucoup de promotion en tant que citoyen. Le MICH est venu pour corriger cela.

La convention des Nations-Unies qui gère la personne handicapée dit que nous ne devons plus, nous handicapés, être en reste. Rien de ce qui nous concerne ne doit être pris comme décision sans nous. Vous imaginez que si vous voulez m’offrir une belle villa, si vous ne m’associez pas à la construction de la villa, elle sera inadaptée pour moi. Ce qui, à l’origine, devait être une bonne surprise, un beau cadeau, va devenir pour moi un cadeau empoisonné. De la même façon quand on prend des décisions concernant les personnes handicapées, il est bon qu’elles soient associées.

Le MICH a cette vocation de promouvoir la pleine citoyenneté des personnes en situation de handicap. Nous visans dans notre action, tous les acteurs de la société, les autorités aussi bien que les personnes handicapées.

En fait, les handicapés ont tendance à se replier sur eux-mêmes? cela parce que la société nous rejette où, elle nous ignore. Alors, au MICH, nous boostons les personnes handicapées à aller de l’avant et à prendre part aux décisions qui les concernent.

Dans votre combat, vous avez réussi a obtenir des avancées notamhment dans la prise en compte dans les processus électoraux. Pouvez-vous nous rappeler ces acquis?

Le MICH est né en 2011. J’avais très vite compris la nécessité pour nous, de prendre part aux décisions. Le premier axe de notre action était d’approcher la Commission électorale indépendante (CEI). Nous avons interpellé ses responsables sur deux choses. La première l’adaptation du code électoral à la situation des handicapés et la deuxième chose, c’était que les personnes en situation de handicap devraient pouvoir avoir des organisations de la société civile à leurs côtés pour la sensibilisation et des élections.

Quelle était la situation concrètement ?

Le code électoral ne tenait pas compte de l’existence des personnes handicapées. On dit le vote est secret. Et dans l’isoloir une personne handicapée ne pouvait pas être accompagnée.  Je me souviens en 2010, moi, non-voyante, à un bureau de vote, on ne voulait pas que je rentre avec mon guide, alors je ne peux pas voter.  J’avais un bulletin qui affichait 14 candidats. Comment pouvait-je cocher la case du candidat de mon choix sans me tromper ? 

Cela a créé un incident dans le bureau de vote parce que les responsables du bureau de vote ne voulaient pas entendre raison… Fort de cette expérience, nous avons trouvé véritablement important d’interpeler la CEI.

Quand nous les avons interpelé, ils ont confessé qu’ils n’y avaient pas pensé. C’est suite à cela que le code électoral été modifié. Aujourd’hui les personnes en situation de handicap sont autorisées à voter avec une personne de leur choix, pourvu que cette personne ne soit pas du même type de handicap.

Mais le MICH ne s’est pas arrêté par là. Nous avons dit qu’il est important que les personnes handicapées participent aux élections du début à la fin. Et depuis, nous y sommes avec toutes les autres organisations de la société civile. On nous a fait cette faveur. On nous a respecté ce droit.

Et j’ajoute que lorsque nous nous sommes rendus compte que la Côte d’Ivoire a signé la convention 60-106 des Nations-Unies relative aux droits des personnes handicapées et qu’elle ne l’avait pas ratifié. Cela signifiait que tout ce que nous obtenions étaient des faveurs. Il fallait transformer ces faveurs en droit à travers la ratification de cette convention. Nous avons fait le plaidoyer et l’Etat de Côte d’Ivoire a finalement ratifié cette convention.

Voulez-vous dire que vous êtes satisfaites du bilan de votre Mouvement et que vos objectifs sont à portée de main ?

Le combat est rude sur le terrain. Et nous continuons. Je vous prends un exemple. Pendant la rédaction de l’avant-projet de constitution, en ma qualité de membre de l’Alliance des femmes de Côte d’Ivoire pour un agenda commun, j’ai pris part à une réunion où il était question de la prise en compte des personnes vulnérables. J’ai constaté que personne ne parlait des personnes handicapées. J’ai attiré l’attention des uns et des autres sur la question. On m’a d’abord demandé s’il y avait une convention ratifiée, comme c’est le cas pour les femmes, les jeunes, les enfants… J’ai sorti la convention 61-106. Tous les participants étaient non seulement surpris, mais admiratives parce qu’ils ne savaient pas que cette convention existait.

Ainsi,je peux le dire, le MICH est l’origine de la prise en compte des personnes handicapées dans les articles 4, 32 et 33 de la Constitution de 2016. Ces articles sont spécifiques aux personnes handicapées.

Peut-on dire que vous êtes satisfaites des résultats ?

La Constitution consacre les droits des handicapés. Mais cela est-il pris en compte effectivement? Je vous donne un exemple. Nous avons des écoles inclusives en expérimentations. Mais ces écoles-là ne sont pas véritablement inclusives. Quand vous mettez un non-voyant dans une classe ordinaire, il ne peut pas suivre le rythme du cours au même titre que les autres. Vous prenez un sourd-muet, en inclusion dans une classe, il aura le même problème.

Il serait bon qu’on puisse leur ajouter des auxiliaires dans la vie scolaire et universitaire pour que ces personnes soient prises véritablement en compte. Tous ces droits ne doivent pas reste dans les textes.

Quand j’ai perdu la vue, j’ai bénéficié d’une bourse très sélective qui m’a emmené étudier aux Etats-Unis. Là-bas, j’ai appris que la personne handicapée est une personne comme tout le monde et elle est effectivement intégrée. Contrairement à ce qui se passe dans notre pays, j’avais droit à un assistant qui prend des notes. J’avais droit a enregistré mes cours. J’avais droit à une salle où les TD sont enregistrés pour qu’au moins je puisse avoir le cours après pour pouvoir le retranscrire.

Mieux, même les éditeurs du bouquin scolaire de l’université Washington écrivaient à l’éditeur pour l’informer qu’ils avaient des personnes handicapées, pour avoir une version audio traduite du bouquin. Nous espérons que cela arrive un jour chez nous en Côte d’Ivoire.

Comment préparez-vous pour participer à l’élection présidentielle de 2020 ?

Il y’a encore de nombreuses barrières dans l’intégration des personnes handicapés dans le processus électoral.

Et nous envisageons de saisir le Conseil constitutionnel. Le vote par procuration devrait être possible pour les personnes handicapées et pour leurs parents. C’est un aménagement raisonnable. On ne peut pas transporter toutes les personnes handicapées dans les bureaux de vote.

Pourquoi les personnes handicapées, malgré leurs compétences, sont rares parmi les candidats aux élections ?

Environ 98% des personnes handicapées vivent en dessous du seuil de pauvreté. Je sais qu’à l’Assemblée nationale, par exemple, je peux faire bouger les lignes. Mais pour battre campagne, il faut des moyens. Les pouvoirs publics devraient pouvoir soutenir les personnes handicapées qui ont des ambitions.

Avez-vous un message pour apaiser les cœurs ?

Il faut interpeller parce que les crises postélectorales et autres ne sont pas bonnes en général pour tout le monde. Mais c’est pire pour les personnes handicapées. Quand des balles sifflent et que tout le monde fuit, la personne handicapée ne sait où aller. Et dans ces conditions, la personne handicapée devient un boulet…

Nous disons que la paix en Côte d’Ivoire est essentielle. Elle l’est non seulement pour les personnes actives et handicapées, mais pour tout le monde et en particulier pour les enfants, les femmes, les personnes âgées, les handicapés… Nous avons le devoir d’interpeler la société toute entière et les politiques en particulier pour dire allons y doucement. Parce qu’au-delà des intérêts personnels, il se trouvent dans la Côte d’Ivoire, des personnes vulnérables. Pire, au sortir des crises le volume des personnes handicapées augmente.  Aussi bien au sein des soldats qu’au sein des civils. La population des personnes handicapées augmente alors qu’il n’y a pas suffisamment de structures de prise en charge.

Tenin Bè Ousmane

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