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Prendre pour nouvelle épouse la femme d’un frère défunt. Le lévirat existe et reste une réalité en Côte d’Ivoire.

Les traditions en Côte d’Ivoire et en Afrique considèrent le mariage comme l’union de deux familles. C’est totalement différent de la définition légale du mariage qui est celui de l’union de deux personnes. Selon les traditions, la femme mariée appartient à sa belle-famille.

On sait aussi qu’en Afrique, la mort est plus importante que la maladie. Donc la perte du mari pour la femme est un double calvaire. Que devient-elle socialement après le drame ? 

« J’ai perdu mon grand frère il y a quelques années. Au moment où je me battais pour trouver les moyens pour faire face aux dépenses des obsèques, des réunions sous forme de pression se tenaient à mon insu. Ma femme était soumise à toutes sortes de pressions. Ma tante et ma grande sœur étaient en train de la convaincre d’accepter que je prenne comme seconde épouse la veuve. Moi-même, l’intéressé, je n’ai même pas été informé de telles tractations. Comme si on allait m’y obliger ». C’est l’histoire de Tuo, un enseignant d’école primaire. L’enseignant n’avait pas encore eu d’enfants avec sa chérie. Donc l’argument avancé à sa femme dans son dos était qu’une telle union pouvait favoriser la grâce de concevoir. Le projet n’ayant pas abouti, Mme Tuo est devenue la risée de sa belle-famille. Et elle en souffre encore aujourd’hui.

Les tensions sont vives dans certains cas. Il se trouve que dans certaines traditions les biens du défunt reviennent de facto à sa famille et non à la veuve, encore moins aux enfants. En société matrilinéaire, seuls héritent le fils de la sœur du défunt, son frère utérin ainsi que son oncle maternel. Ni la veuve, ni ses enfants, au cas où elle en a eu avec le défunt mari, n’ont droit à l’héritage de ce dernier. C’est plutôt le neveu du défunt mari et plus précisément le garçon de la sœur du mari qui hérite de tous les biens du défunt.

Selon cette croyance, rien ne garantit que les enfants qu’a eu le défunt avec sa femme soient effectivement les siens car elle aurait bien pu le tromper avec un autre. Par contre, la sœur du mari, qui a gardé son enfant dans son ventre pendant neuf mois, bénéficie d’une crédibilité totale quant à l’appartenance de son enfant à la famille. C’est donc cet enfant qui hérite des biens de son oncle. En société patrilinéaire, le fils et le frère du défunt sont les principaux héritiers. La veuve est aussi exclue de l’héritage. La piste qui reste est le remariage après le veuvage. C’est le lévirat.

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Le lévirat est une pratique coutumière en Côte d’Ivoire par laquelle un frère s’unit à la veuve de son frère ou un fils aîné à celle de son père dans l’optique de perpétuer la lignée et surtout de créer un cadre de protection et d’assistance aux enfants du défunt. Après la période de veuvage où cette dernière doit faire face à toute sorte de sévices corporels et moraux, la belle-famille se voit dans l’obligation de la réinsérer socialement afin qu’elle ne reste pas malheureuse.

C’est donc cette pratique coutumière qui est exercée sur la veuve et qui consiste à la remarier au frère du défunt. C’est à dire l’héritier désigné par la famille. Le lévirat se présente comme une autre forme de mariage forcé. Cette pratique, bien qu’en forte régression dans les villes, a toujours la peau dure en milieu rural en Côte d’Ivoire. La veuve est esclave de la belle-famille. A la mort du défunt mari, la succession de ce dernier s’ouvre par le conseil de famille.

Une pratique qui trouve normal que les héritiers puissent bénéficier de la femme, libérée de son lien matrimonial. Parce qu’après le décès, les hommes de la famille du défunt héritent de la femme, en estimant avoir le droit de décider de ce qui est convenable pour elle. Ils s’érigent en maître de sa vie. Il y a certaines veuves qui finissent par céder sous la contrainte en se remariant au beau-frère. Par contre d’autres refusent de se plier et s’exposent à toutes sortes d’attaques et de maltraitances.

Sékongo Naoua

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