Publié le 15 septembre, 2022

Il avait souhaité devenir un footballeur. Au finish, l’amour de la mode l’a emporté. Il décide donc de tout abandonner pour vivre sa passion, mais surtout une activité lucrative pour se recréer. Kouassi Abdoul Karim, c’est de lui qu’il s’agit, n’a pas eu tort d’écouter les conseils de sa génitrice. Aujourd’hui, reconnu dans le monde entier à travers ses créations en vogue, celui qu’on surnomme désormais Mucho Design, le styliste designer représente la cote d’ivoire dans des défilés de renoms. Propriétaire d’un atelier de couture dans la commune d’Abobo, l’homme nous révèle son parcours, ses ambitions… 

Pourquoi entreprendre dans la mode ?

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A la base j’ai aimé le métier, grâce aux conseils de ma mère. Elle fut une grande commerçante. Pour elle, je devais apprendre la couture depuis mon adolescence. Après 6 ans d’apprentissage, je décide d’aller à Abidjan pour jouer au football. C’était ma passion. A un certain âge, j’ai compris que je jouais au football par amour. Un moment donné il faut se trouver un métier qui va permettre de me prendre en charge. Au début c’était difficile de me mettre dans la couture. J’ai commencé par poser le problème à ma mère, puisque c’est elle qui m’avais dirigé vers ce métier. J’estimais que les couturiers peinent à s’en sortir. Or, ma mère n’arrêtait pas de me motiver. C’est à Abidjan que j’ai réalisé que ce métier pouvait nourrir son homme. Deux mois plus tard, je décide enfin de me former à la couture. Et cela s’est fait avec le soutien d’autres créateurs tel que Roger Bango, Ciss st moise qui m’ont beaucoup apporté. Et, le 5 janvier 2013, je me suis véritablement installé.

Aujourd’hui, les choses avancent bien. Regardez vous-même, si je vends une seule chemise à 15.000 Fcfa par jour, dans le mois cela me fait 450.000 Fcfa de recette. Si j’en vends plusieurs, je peux me retrouver à 900.000 Fcfa dans le mois. Quand j’ai compris cela, j’ai commencé à prendre le métier au sérieux.

Je suis coach en mannequinat à l’université Felix Houphouët boigny, mon but s’est d’aider et former les jeunes à s’investir dans ce qu’ils font le mieux. Généralement je n’arrête pas de demander aux étudiants de ne pas perdre trop leur temps à tourner. Il faut entreprendre quand ils en ont l’occasion.

Et à quel moment vous avez trouvez utile de posséder un atelier ? 

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Dans un premier temps c’est la confiance en soi, le renforcement de capacité personnel. Il faut avoir ces qualités quand tu décides d’entreprendre. Après le football, je partais aider un ami qui faisait la couture, gratuitement sans rien demander en retour. En ce moment j’avais un endroit où je vendais les téléphones, et ce coin a été déguerpis. Avec sa permission je suis resté pour apprendre davantage à son atelier. Trois mois après nous devions nous séparer, le 22 janvier 2012. C’est en ce moment j’ai compris que si en trois mois j’arrive à m’en sortir, c’est que je peux avoir un atelier à moi. Avec un peu plus de formation je pourrais y arriver. Les formations ont commencé et portaient sur la compréhension de l’utilité du travail.

Quelle différence existe-il entre un couturier, un designer, un styliste, et un modéliste ?

Un seul mot les qualifie tous, le modéliste. On peut être un coiffeur et être un modéliste. Un menuisier et être un modéliste. Pour dire que c’est celui qui crée les modèles. Mais chez nous, on parle de créateur de mode, on parle de styliste, on parle de tailleur ou couturiers. Dans notre domaine, c’est large. Ce sont des choses qui s’expliquent simplement parce que chacun occupe son compartiment. Moi, j’ai eu la formation en styliste créateur de mode, donc avant de confectionner un modèle pour ma collection, je fais d’abord le dessin. Quand je finis, je passe au tailleur où je vais en couture. Normalement ce sont des compartiments qui sont départagés, une personne n’a pas le droit de faire tout à lui seul. C’est comme dans les écoles, chaque matière à son professeur. Cependant, dans notre cas, par manque de personnel, on essaie de faire toutes ces activités. Ce n’est pas normal. À l’Insaac, il y a des jeunes qui sont bons en dessin que nous pouvons embaucher pour faire le travail. Mais par manque de moyens, nous négligeons ce volet.   

Article de mode : N’Goran Delphine : « Comment j’ai construit mon entreprise »

C’est un processus, on reçoit le client, on l’écoute. Quand il finit de faire sa proposition, le designer est là avec nous, il écoute, rentre dans l’esprit du client et sort le modèle adapté. Il le propose au tailleur, qui découpe le dessin adapté par le designer. Il va le proposer ensuite au couturier. Le couturier, à son tour, fait l’assemblage. Normalement, ils devaient tous travailler ensemble. Malheureusement, c’est une mauvaise organisation et c’est régulier dans nos pays africains. Le couturier à lui seul veut tout faire.

On vous qualifie de personnes ne respectant pas les rendez-vous avec vos clients. Comment vous vous organisez pour satisfaire la clientèle ?

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Nous adaptons nos clients à notre manière de fonctionner. Depuis le 5 décembre déjà, nous avons fermé pour respecter les délais des commandes que nous avons déjà prises. Avant de prendre d’autres commandes. Nous nous arrangeons de cette manière pour éviter que le client vient se plaindre d’un faux rendez-vous. Quand nous finissons et qu’il y a de nouvelles personnes qui désirent intégrer le programme, nous faisons payer plus pour nous permettre d’embaucher plus de personnes pour respecter les rendez-vous. Tout est une question d’organisation. Dans mon seul atelier, nous sommes 5 à travailler donc il ne faut pas venir se surcharger encore. Nous arrivons à régler toutes nos occupations le temps voulu, tous arrivent à s’en sortir avec ce qu’on gagne.

Quelles sont les difficultés les plus courantes dans votre domaine ?

C’est difficile de travailler sur fonds propres. Il y a des commandes que nous n’arrivons pas à prendre. Quand les commandes sont un peu plus élevées, et le client n’arrive pas à payer les 75% que nous demandons avant de commencer la couture, il faut subventionner le travail, le finir avant que le client ne vienne le récupérer et payer la totalité. Cela nous complique un peu, certains matériels de travail que nous n’avons pas, diminuent notre valeur de travail. On essaie de tirer notre épingle du jeu.

Le ministère de l’artisanat n’est-il pas une solution pour vous ?

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Nous sommes dans un métier appelé « informel », et quand j’entends ce mot, ça me fait un peu mal. Pour être formel, il faut plus de coaching. Cela devient un business où l’Etat a aussi son avantage, si nous embauchons plus de 5 personnes, on lutte contre le chômage. L’Etat doit venir vers nous pour reconnaitre notre travail et nous accompagner.

Quand je commençais le 7 janvier 2013, je me suis fixé un objectif, j’ai fait 4 ans pour m’installer, j’ai commencé à faire des expositions. J’ai eu déjà cette chance de représenter trois fois la Côte d’Ivoire, une fois au Burkina lors de la coopération Ivoiro-burkinabé en 2019 et j’ai fait un défilé à Accra « Breating Fashion Show ». J’ai fait « Afro ganza » à Koumassi. Cette année, j’ai participé à la coopération ivoiro-burkinabé au palais de la culture. J’ai fait un bon bilan et j’ai vu que de nombreuses personnes commencent à connaitre la marque « Mucho Design ». Mon plus grand vœu, c’est avoir une école de couture professionnelle. Il en manque en Côte d’Ivoire. La plus grande école de Côte d’Ivoire à travers la mode, c’est le CAP de Michel Yakice. C’est minime !

Le métier de la couture nourrit son homme. Les anciens couturiers ne l’avaient pas vite compris. Ils n’avaient pas le bon niveau d’étude pour promouvoir l’activité.

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Un évènement est prévu pour le mois de mars, pouvons-nous déjà avoir les grandes lignes de votre organisation ?

Je repars dans la région du Gontougo (région située au Nord-Est de la Côte d’Ivoire) pour « Tanda Fashion Week » parce que cette région a besoin de visibilité. Cet évènement promeut le pagne tissé de la région, les jeunes créateurs, les jeunes filles à travers la mode. Savoir s’habiller c’est un art. Lors de la première édition, nous avons eu trois jeunes venant de Bondoukou et deux autres de Tanda qui ne savaient pas faire une collection. Parfois ce sont les clients qui fixent le prix et le modèle, eux, ils ne font que confectionner les tenues. Avec la formation, ces personnes-là, témoignent aujourd’hui en bien de cette expertise. Nous apportons un plus de formation et de visibilité à leur domaine. On peut être à l’intérieur du pays, entreprendre et devenir meilleur que ceux qui sont à Abidjan. « Tanda Fashion Week » se tiendra dans la première semaine du mois de Mars en 2022.  

Lire aussi : Mucho Design : un styliste qui valorise le pagne tissé

Bekanty N’ko (stagiaire)

1 Commentaire

  • par Mamesy
    Publié janvier 4, 2022 5:51 pm 0Likes

    Belle interview. Bien menée. Bravo.

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