La JIF 2021 a pour thème : « leadership féminin : pour un futur égalitaire dans le monde de la Covid-19 ».

Publié le 8 mars, 2021

La Journée internationale de la femme (JIF) célébrée tous les 8 mars, semble encore prêter à confusion avec la célébration de la fête des mamans en Côte d’Ivoire. Quel est le sens réel de ladite célébration ? les expertes se prononcent.

Marguerite Yoli-Bi Koné, PCA du WANEP-CI)

« Nous allons distribuer des cartons rouges ou verts »

« Le 8 mars, Journée internationale de la femme (JIF), dédiée par les nations unies, est instituée depuis 1977 par la résolution 32/142. Cette journée permet de marquer un temps afin de faire le bilan des avancées des droits des femmes. Même si tous les jours sont des journées de la femme car cheville ouvrières des familles, cette journée offre l’opportunité de faire un zoom sur les conditions de vie de la Femme, l’occasion de s’interroger sur l’atteinte de l’égalité en droits des femmes et des hommes, sur l’autonomisation de la femme car les droits de l’homme sont aussi des droits de la Femme.

 Le thème mondial 2021 est « leadership féminin : pour un futur égalitaire dans le monde de la Covid-19 ». Il est très approprié pour la Femme ivoirienne qui se bat encore pour une place conséquente et honorable dans les instances politiques et de décisions car les femmes constituent la moitié de notre population. Comme toujours la pandémie à la COVID 19 a des impacts différents sur les hommes et les femmes qui en sont les plus lésées.

Pour cette année, la JIF 2021 se déroule dans des conditions austères pour toutes les organisations de la société civile. Mon organisation le WANEP-CI (Réseau Ouest Africain pour l’Edification de la Paix) comme tous les ans, ne saurait rater l’occasion de célébrer cette journée. Nous envisageons vu le contexte, de mener une petite action de rappel aux citoyens et citoyennes lambda, ordinaires. Avec des gadgets à des carrefours nous allons marquer cette journée en interrogeant les passant-e-s sur cette journée spéciale du 8 mars.

 Nous allons distribuer des cartons rouges et des cartons verts à ceux ou celles qui donneront les bonnes ou fausses réponses et chacun et chacune recevra un gadget (tee shirts, éventails, caches nez etc. avec l’effigie du WANEPCI). Nous voulons que cette journée soit pédagogique pour toutes et tous, nous la voulons généreuse en donnant des cadeaux pour montrer encore une fois la générosité de la femme, son importance dans la société d’où la nécessité de la protéger, mais surtout de lui donner toute sa place pour le bonheur de tous et de toutes ». 

Bodoua Affoua, Secrétaire permanente du Comité de suivi pour la prise en compte du genre dans les processus électoraux

« Nous voulons la parité »

« Cette journée a été instituée pour commémorer la femme.  A notre niveau nous faisons le bilan de nos activités. Nous évaluons les points d’avancés de la prise en compte du genre, de la promotion de la femme. Mais aussi, des acquis depuis l’instauration de cette journée jusqu’à aujourd’hui. Si le bilan n’est pas satisfaisant, nous cherchons les stratégies que nous devons mener pour faire avancer la cause de la femme. C’est cela l’intérêt de la journée internationale de la femme.

Cette année, nous comptons participer à des panels. Pourquoi ne pas participer aux activités du Ministère de la Femme, de la famille et de l’enfant, qui est le ministère de tutelle de toutes les organisations féminines. Mais nous allons surtout prendre part aux panels, et réflexions, puisqu’on n’a pas encore atteint notre objectif. Nous voulons aller vers la parité, vers l’épanouissement de la femme, vers une meilleure santé de la reproduction de la femme, et une meilleure protection des enfants.  Nous allons réfléchir à d’autres stratégies à adopter en dehors de ce que nous avons déjà fait pour améliorer la situation ».

Rachel Gogoua, Présidente de l’ONEF

« Je suis fatiguée de faire des plaidoyers »

« On investit plein d’argent dans les célébrations, mais il n’y a plus de suite. J’aurais souhaité que cet argent soit destiné à aider réellement les femmes. Avant, j’organisait des activités à l’occasion de cette journée, mais plus aujourd’hui.

Une bonne célébration pour moi, c’est aller dans les villages, trouver des femmes qui ont des problèmes et les aider. Les amener à parler pour qu’elles découvrent leur propre potentialité et qu’elles commencent à prendre en main leur propre destin. Ce serait formidable.

Je suis fatiguée de faire des plaidoyers. Depuis des années on n’en fait auprès des autorités, mais il n’y a pas de suite. Les résultats de la loi votée sur le quota de 30% pour les élections en Côte d’Ivoire et qui n’a pas été appliquée démontrent clairement que les plaidoyers ne servent à rien. 

Il s’agit en cette journée de faire des bilans, de voir ce qui a été fait, ce qui n’a pas été fait, ce qui reste à faire, et ce qu’il faut faire pour avancer.

Je suis pour le changement. Au lieu demander des changements aux autorités, il suffit de prendre la décision, de se mettre véritablement au travail, de se faire confiance et de s’investir. On y arrivera. Si les femmes décident d’envahir l’assemblée nationale, elles le pourront. Le jour où elles vont décider elles y seront massivement sans avoir besoin de l’aide de quelqu’un ».

Mme Léontine Miezan, Présidente de la coopérative Kregbé Banan

« On doit nous mettre à l’honneur »

« C’est une journée pendant laquelle on célèbre la femme dans son rôle de femme, de mère, d’épouse, de fille en la soutenant également dans ses activités. En principe ce jour-là, on doit nous mettre à l’honneur.

Du fait de ce qu’on cherche à s’implanter au niveau de notre coopérative, nous n’avons encore rien prévu cette année.

Les années précédentes on achète le pagne officiel, s’il y a un défilé on y participe et ça s’arrête là. Cette année nous n’allons pas la célébrer en tant que structure, mais de façon individuelle. On espère pouvoir célébrer la femme comme il faut à travers des festivités les années à venir. Nous avons des plaidoyers, mais nous n’avons pas prévu en parler. Entre nous on récence nos problèmes et on en parle ».

Mariam Yeo, Présidente de la Coopérative Tcheregnimin

« Nous ne connaissons pas le 8 mars dans le Poro »

« Ici les femmes ne connaissent pas le 8 mars. Une année nous avons été appelées à la mairie, nous avons défilé et puis c’est tout. Le jour de la journée internationale de la femme, on célèbre les femmes, on les écoute…  C’est une occasion pour elles de s’exprimer devant le gouvernement, devant le préfet.

Nous ne voyons pas vraiment l’importance de cette journée, puisque nos plaintes ne remontent pas. On ne sait plus ce qu’il faut dire. Pourtant nous avons un véritable problème de moyens financiers. Nous produisons le beurre de karité qu’on ne peut pas écouler. Un travail difficile, mais en fin de compte on n’a pas de clients.

La Covid-19 n’a pas arrangé les choses. Actuellement, mes enfants ont été renvoyés de l’école pour scolarités impayées. Nous ne nous sentons pas concernées par cette fête. Nous cherchons de quoi à s’occuper de nos familles puisque lorsqu’il s’agit de faire des dons et autre actions bénéfiques on ne nous associe pas. Aucune femme n’est prête à aller défiler sous le soleil.

Pendant la période de dons d’équipements sanitaire et même des fonds covid aux femmes du secteur informel, nous avons été ignorées, malgré que nous nous sommes inscrites. Nous étions obligées de fabriquer nos équipements de protection toute seules et à nos manières ».

Miss Kouadio, présidente du Syndicat national patronal des couturiers et tailleurs de Côte d’Ivoire

« Il faut un travail préalable avant la grande fête »

« Nous irons à Jacqueville pour participer à la cérémonie du Ministère de la femme de la famille et de l’enfant. Nous avons acheté et cousu nos uniformes. Cette journée est importante, mais je pense qu’il faut améliorer l’organisation.  C’est une journée où on nous donne toutes les informations et décisions prises par le gouvernement.

 On fait le point du travail fait, mais j’aurais voulu que ce soit une journée concrète de témoignages de l’autonomisation de la femme. Qu’on nous présente véritablement l’évolution des femmes coachées, encadrées, financées, qui ont été identifiées dans les régions.

Qu’on nous parle de ce qu’on représente au plan africain et mondial depuis la célébration de cette journée. Je souhaite également qu’on donne la parole aux autres femmes à cette occasion pour exposer nos problèmes, il faut qu’on innove, qu’on puisse faire le bilan de nos activités, souvent il faut un travail préalable avant la grande fête. »

Sefora Kodjo, Présidente de la Fondation SEPHIS

« Nous nous sentons concernées par le 8 mars »

« La journée de la femme au sein de notre organisation, c’est tous les jours. Nous travaillons au quotidien sur des questions en lien avec la protection, la promotion, l’autonomisation et la participation des femmes et des jeunes femmes. Nous nous sentons vraiment concernées par le 8 mars en tant qu’une journée très importante dans le calendrier mondial, mais sur l’engagement, les activités et l’intérêt de parler de la journée de la femme.

Cette journée représente pour nous une journée de réflexion. C’est aussi une journée de célébration où il faut reconnaitre les avancées, le mérite de beaucoup d’organisations qui travaillent durement. Au plan gouvernemental, il s’agit de faire le point des actions qui ont permis de pousser l’agenda féminin. Au plan international, c’est l’occasion de célébrer tous ces efforts et ces avancées, de les féliciter, de les saluer et de penser à la prochaine étape.

Dans l’agenda féminin, il y a encore beaucoup de défis à relever notamment sur la participation des femmes dans les instances de décision, l’accès à certaines ressources et opportunités pour les femmes. Je veux parler du financement, l’éducation, la formation de qualité, la formation du métier approprié parce qu’il y a certains métiers qui sembleraient être réservés encore aux hommes. Les métiers de mécaniciens, d’électriciens, de Btp. Il faut trouver plus d’opportunité aux femmes afin qu’elles puissent contribuer aux développement de leur communauté.

Nous essayons de marquer cette journée par l’organisation d’un évènement annuel, où nous réunissons les femmes, nous faisons un panel, nous partageons les expériences. Cette année avec la crise sanitaire, nous avons fait tellement d’activités en ligne…  Nous allons encore appeler à une forte mobilisation à travers des messages de sensibilisation. On n’a pas le sentiment d’être en train de faire quelque chose de spécial pour le 8 mars. On n’a l’impression de continuer notre agenda quotidien.

Si je devais conclure en laissant un message à toutes vos lectrices, je leur dirais à l’occasion de la journée internationale de la femme, de faire leur bilan à titre personnel de leur ambition sur le plan professionnel, social, personnel, mais de aussi se projeter dans les années à venir. Elles doivent également se féliciter en tant que femme pour les efforts qu’elles ont fournie.  Nous sommes dans un monde dans lequel on peut se retrouver parfois frustrée parce qu’on est une femme. On peut rencontrer certaines injustices, mais ça dépend de comment nous abordons les choses. Beaucoup de femmes ne considèrent pas leur genre comme un handicap, mais bien au contraire. J’encourage la communauté féminine à faire un bilan personnel de ses ambitions, son épanouissement et ainsi que des prochaines étapes et les moyens qu’on se donne pour les atteindre ».

Naminata Diabate, PHD, chercheuse-enseignante de littérature comparée, Université Cornell aux Etats Unis,

« Il faut décorer les femmes innovatrices »

« La journée internationale de la femme, qui fait partie du mois de l’histoire des femmes, a trois raisons fondamentales. Célébrer le succès de la gent féminine dans tous les domaines possibles. Attirer l’attention sur les préjugés dangereux contre les femmes et fillettes et finalement. Et prendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer la condition de la gent féminine pour un meilleur monde.  Les célébrations doivent être de plusieurs ordres et les formes doivent être déterminées selon les domaines d’intervention.

Au niveau des communes, par exemple, l’on pourrait décorer les femmes innovatrices dans les domaines scientifiques ou de la recherche. L’on pourrait aussi célébrer les femmes et filles qui se sont distinguées par des actions contre la lutte contre le covid-19. Au niveau des quartiers, la part belle pourrait être donnée à des initiatives pour combattre les grossesses précoces ou les préjugés contre la scolarisation des filles. Ces campagnes qui font déjà parties des préoccupations des autorités ivoiriennes doivent être amplifiées et réitérées lors de cette journée solennelle.

Souvent, nous organisons une série de tables rondes et de conférences pour réfléchir sur les ouvrages qui approfondissent nos connaissances sur un thème lié à la gent féminine. Ces livres peuvent être publiés par des femmes ou des hommes. Cette année, des départements ont adopté le thème de L’ONU, la pandémie, comme inspiration. Donc, les tables rondes virtuelles tournent autour de ce sujet. Par exemple, nous explorons comment la pandémie exacerbe les inégalités entre femmes et hommes dans les domaines des tâches domestiques et des violences conjugales.

Mon domaine principal d’intervention étant celui de la recherche et de la production du savoir, je suis sollicitée pour délivrer de nombreuses conférences publiques sur la contribution des femmes africaines dans le futur politique des pays africains. Le mercredi 3 mardi dernier, j’ai délivré un webinaire sur la façon spectaculaire dont les militantes Kenyanes et Ivoiriennes méritent notre reconnaissance pour les indépendances des années 1960 ». 

Propos recueillis par Marina Kouakou

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