Publié le 18 mai, 2021

Le ministère de la Santé, de l’hygiène publique et de la Couverture maladie universelle a viré le Directeur général de l’hôpital général d’Adzopé et a suspendu les activités professionnelles du médecin gynécologue Isidore Bli Bli, ainsi que trois sages-femmes après le décès Zerbo Habi, une parturiente de 40 ans, dans des circonstances. Les sages-femmes sont aux arrêts !

Le décès de Zebo Habi ou Abiba, cette parturiente de 40 ans, ce jeudi 6 mai 21 à l’hôpital général d’Adzopé, ravive la méfiance entre les populations et le corps médical. Cette dame qui s’était rendue dans cet hôpital publique pour accoucher de son cinquième bébé, est décédée dans des circonstances révoltantes, selon les témoignages.

« Il (le gynécologue) t’a fait des soins pour déclencher l’accouchement et t’a demandé de revenir le soir quand tu aurais mal. À 22H00 tu t’es présentée à la maternité accompagnée de tes deux mamans. Les sages-femmes de garde ont appelé le gynécologue. Il n’est pas venu. Il s’est contenté à chaque appel de leur donné des instructions à suivre.

Tu étais seule dans la salle d’accouchement. Tu criais pour appeler les sages-femmes mais elles étaient plus préoccupées par le film qu’elles suivaient à la télé. Tes mamans présentes ont interpellé les sages-femmes, elles les ont rabrouées », raconte un témoin, Natogoma Bamba.

Dame Abiba a fini par mourir le lendemain, vendredi 7 mai !

En Côte d’Ivoire, les populations se plaignent de plus en plus de l’attitude du corps médical à leur endroit, dans les établissements sanitaires publics. Il y a un mois, le 12 avril 2021, un père qui venait de perdre ces deux bébés, des jumeaux dans des conditions similaires, s’était rabattu sur la toile pour dénoncer la négligence des agents de santé qui ont eu raison de la vie de ses progénitures au CHU de Cocody. Son récit était saisissant !  «Ils (les nouveau-nés) avaient besoin d’oxygène et de couveuse. Les sages-femmes les envoient en salle d’accouchement. L’une me dit qu’on appelle le pédiatre et il ne décroche pas. Alors que c’est lui qui doit venir faire les analyses pour savoir où les mettre, soit dans une couveuse ou sous oxygène. Je demande à l’infirmière que faire s’il ne répond pas. Elle me dit d’attendre l’heure à laquelle il viendra (…) J’ai alors vu le vigile pour qu’il m’indique le bureau du pédiatre. Il m’a dit de monter au 5è, Dr Sanogo. Je frappe donc à la porte. Le docteur vient ouvrir et me demande ce qui se passe. Je lui dis que mes enfants ont besoin de lui pour des analyses. Il se met en colère et me reproche le fait d’être monté dans son bureau. Alors il descend pour aller se plaindre auprès des filles de salle.

Une fille de salle vient après vers moi et demande pourquoi je suis monté au 5è. De plus, elle me dit que l’un de mes enfants est mort et qu’on attend que le deuxième meure pour aller avec lui. Par manque d’assistance, d’oxygène, j’ai perdu mes jumeaux », se lamentait l’homme, M. dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux. Il avait été finalement reçu par le ministre de la Santé qui avait promis des enquêtes.

Le dernier drame en date d’Adzopé a conduit à des sanctions immédiates contre les agents de santé incriminés. Et les clameurs suscitées par ces drames ne laissent pas le corps médical indifférent. La secrétaire générale du Syndicat des sages-femmes, tout comme le coordonnateur des syndicats du secteur de la santé, ont conduit des délégations dans la famille éplorée. Au nom de leur membres, Maïmouna Kangouté et Boko Kouao sont aller manifester leurs regrets à la famille dame Abiba. « Les enquêtes sont en cours. La justice est en train de faire son travail et elle situera les responsabilités. Nous aussi, à notre à notre niveau en tant que personnel, nous continuons de mener nos investigations ». Mais Maïmouna Kangouté ne veut pas croire que ses collègues aient pu refuser d’assister la parturiente, qui de surcroit était leur amie. « Il y a un fait important à relever, c’est que vu l’amitié qui liait la dame et le personnel médical, elle ne pouvait pas être négligée », fait remarquer la première responsable du syndicat des sages-femmes.

Pour Boko Kouao de la Cordisanté, il ne faut pas tout de suite s’en prendre au corps médical. « Nous sommes tous des hommes et tous, nous sommes enclins aux erreurs. Quand ce type d’accidents arrivent, nous devons assumer et prendre acte des décisions de justice », explique M. Kouao. D’ailleurs, fait-il remarquer, ce n’est pas la première fois que des agents de santé sont poursuivis pour leurs présumées responsabilités dans des drames similaires. En novembre 2015, le décès d’une dame en couche avait conduit à l’arrestation des sages-femmes incriminées. Elles avaient été mises sous mandat de dépôt, puis déférées à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA). « C’est tout cela les risques du métier », fait remarquer le coordinateur des syndicats du secteur de la santé. Pour les agents de santé, la vraie raison de ces malheureuses expériences réside dans les conditions de travail. La secrétaire générale du syndicat des sages-femmes pointe du doigt, un plateau technique non adapté. « En urgence gynéco-obstrétique au CHU, nous nous trouvons dans une situation où deux sages-femmes doivent s’occuper à elles seules de huit lits. Alors que quand la femme enceinte arrive en urgence, elle se trouve en situation pressante, qui demande qu’on s’occupe d’elle sur-le-champ, immédiatement », relève-t-elle. « Celui qui arrive en urgence veut qu’on le prenne en charge le plus tôt possible, et le mieux possible. Mais quand vous avez une sage-femme qui doit s’occuper de quatre personnes qui sont toutes arrivées en urgence et qui nécessitent toutes qu’on les prenne en charge dans l’urgence, c’est compliqué », fait remarquer la sage-femme.

« Il y a la question du temps de surveillance. Lorsqu’une femme arrive elle peut aller jusqu’à 6 h de temps d’attente avant son admission en salle d’accouchement. Cela, parce que nous sommes en nombre insuffisant. Nous n’avons pas non plus d’autres types de tables pour installer confortablement les femmes », soutient Mme Kangouté-Fofana.

Boko Kouao, lui, pointe du doigt la gouvernance du secteur de la santé en Côte d’Ivoire.

Ténin Bè Ousmane

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